# PolitiX

Edouard, mon pote de droite – Episode 3.3

14 mars 2023

En attendant le prochain épisode de la série documentaire de Laurent Cibien (1) consacré à son vieux pote de lycée Edouard Philippe, je poursuis moi-même le récit. J’avais d’ailleurs écrit un épisode 3.2 lors de l’élection présidentielle à laquelle celui-ci n’a pas participé (2022), ou si peu, tout en rongeant son frein, se disant, c’est moi qui devrait être à la place de ce petit con de Macron, je suis bien plus populaire que lui dans les sondages ! Seulement il y a la prime au primo accédant, les anglosaxons disent « first mover advantage », celui qui attaque le premier, porte le premier coup, a un avantage décisif sur les suivants. Ce n’est pas à Edouard Philippe, qui pratique la boxe, qu’on ira faire la leçon. Il sait parfaitement qu’il a loupé le coche en 2022, mais il s’est dit que son heure viendrait, en 2027, il n’aura après tout que 57 ans, ce qui n’est pas si vieux pour un homme politique, il suffit de prendre l’âge moyen au Sénat pour s’en convaincre. Mais ça, c’était avant ! Avant quoi me direz-vous ? Eh bien avant qu’Edouard Philippe ne se mette à ressembler à Robert Hue ! La série documentaire va t-elle devoir être renommée ?

Certes, Edouard Philippe est toujours la personnalité politique préférée des Français selon une étude de l’IFOP de décembre 2022, devant François Hollande, Rachida Dati, Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy, c’est dire si les Français ont la mémoire courte. Quand Edouard ressemblait à Chirac jeune, sautant par dessus le tourniquet à l’entrée du métropolitain à Paris, qu’il frappait dans des sacs de boxe ou sur son sparring partner à l’entraînement, ça avait de la gueule. Maintenant qu’il ressemble à un papy de 70 ans à cause de son alopécie, une maladie sans gravité mais qui vous fait perdre vos poils ou les décolore, c’est la maladie dont souffre la femme de Will Smith, vous vous souvenez forcément de cette gifle il y a un an tout juste à la cérémonie des Oscars, Will qui mettait une de ces mandales magistrales à Chris Rock car celui-ci s’était moqué de la coupe militaire de l’épouse du man in black, eh bien c’était d’alopécie dont il était question, le même dérèglement dont souffre à son tour Edouard Philippe. Cela pose une question intéressante : quelle est l’importance du physique dans une élection majeure telle que l’élection présidentielle, dans une démocratie représentative dominée par les réseaux sociaux que nous connaissons aujourd’hui ? Surtout lorsque ce physique, autrefois à votre avantage, se fait soudainement la malle. Faut-il être beau pour gagner ? Je vous propose de prendre les présidents de la 5ème République pour se faire une idée, ça va aller assez vite, il n’y en a eu « que » huit. Ne vous plaignez pas eh oh, j’aurais pris les présidents américains, cela aurait été plus long, puisqu’il y en a eu 46. Certes, j’aurais pris la liste des présidentes, cela aurait été rapide, puisqu’il n’y en a eu aucune, je veux dire en France ou aux Etats-Unis, mais ce sera peut-être pour la prochaine. En attendant ce jour, revenons à nos chers présidents de notre chère 5ème République FRANÇAISE !

Charles de Gaule était-il beau ? Difficile de se prononcer, je ne suis pas très attiré par les hommes de manière général, pardon général, pardon générale, avec un e, mais je sais néanmoins reconnaître un bel homme quand j’en vois un, dans la vraie vie ou au cinéma. Brad Pitt est un bel homme me semble-t-il par exemple, ou côté Français, Louis Garrel. De Gaule n’était pas particulièrement beau à mon goût mais il était grand, 1,96 tout de même et sans talons. A côté, les autres généraux ressemblaient à des nains. Il était grand, c’était un militaire, il avait su dire non, De Gaule n’était pas un candidat, c’était un personnage Historique avec un grand H, hors compétition donc.

Ensuite Pompidou, un nom pour plaire aux femmes, ce qui a son importance puisque depuis 1944, elles ont le droit de voter. Etait-il beau, avec ses gros sourcils et un léger embonpoint qui lui causera quelques soucis, ça et le tabac ? Non, pas vraiment à mon avis, mais très élégant et très érudit, un pur produit de l’énarchie tricolore, digne représentant des grands corps d’Etat.

Giscard, le Macron des années 70. Il est vrai que si vous reprenez les photos de l’époque, on a peine à croire qu’il n’a même pas 40 ans alors qu’il en fait déjà 55 avec sa calvitie de petit vieux et sa mèche bien peignée. Mais à cette époque, il incarne la jeunesse, en tout cas à droite, l’économie triomphante bien que les Trente glorieuses, qui n’ont même pas duré vingt ans, sont à présent derrière nous. Giscard arrive avec le premier choc pétrolier, six ans après mai 68, il est grand, mince, smart et malgré tout le symbole d’un certain renouveau, Macron connaîtra le même destin 40 ans après. Macron est d’ailleurs né sous Giscard, comme Camille Chamoux et moi.

Puis vient, au début des années 80, un changement d’ère avec François Mitterrand, le premier président de gauche de la 5ème République. Dire qu’il était beau serait sans doute exagéré, d’autant qu’il accède au pouvoir à plus de 60 ans, mais côté charisme, il assurait. En sa présence, tu n’en menais pas large, lui avec son air de parrain mafieux ou de tonton flingueur, il en avait vu de toutes les couleurs avant d’arriver à l’Elysée. Ce n’est pas à lui qu’on allait apprendre la chanson, même les journalistes n’osaient pas lui poser de questions délicates, sur les écoutes, sur Béré, sur la France-Afrique, sur sa double vie, sa fille, sur tous les dossiers fumeux dans lesquels son nom apparaissait de près ou de loin, François Mitterrand est selon moi le président le plus intimidant parmi les huit.

Jacques Chirac, le Corrézien monté à Paris, à moins que ce ne soit l’inverse. Que dire de cet homme-là. Grand lui aussi, classe, énergique dans ses costards avec sa clope au bec. A l’aise aussi bien dans les diners mondains auxquels il participait grâce à sa jeune épouse Bernadette puisqu’issue d’un milieu aristocratique, qu’à tâter le cul des vaches pour pouvoir gagner telle ou telle élection locale, une habitude qu’il conservera une fois président lors de chaque édition du salon de l’agriculture, ou à demander des pots de vin à des patrons du BTP de la région parisienne. Pour moi, Chirac est celui qui avait le plus de classe naturelle, et une capacité sans limite à se rendre sympathique, jusqu’à la fin, lorsqu’il déclara à Hollande devant les caméras qu’il voterait pour lui à la Présidentielle de 2012. Sarkosy en a bouffé ses talonnettes !

Sarkozy, que certains plaisantins appelaient le petit Nicolas, n’était certes pas grand au moment de l’élection de 2007, je ne crois qu’il ait grandi depuis, mais il était hargneux, il en voulait le bougre, et ce depuis tout jeune, quand il fréquentait le même lycée de bourges que François Hollande. C’est grâce à cette fougue, cette volonté farouche de réussir, Rastignac ne lui serait pas arrivé à la cheville s’il avait existé avec ou sans les fameux réhausseurs de chaussures, qu’il a pu devenir Maire de Neuilly à même pas 30 ans, l’une des villes les plus riches de France, dans le département le plus riche de France. Un tremplin idéal pour conquérir le pouvoir jusqu’au sommet, de cela il n’en a jamais douté. Quand on a une telle détermination, pas besoin d’être ni beau ni grand. Et comme le succès entraîne le succès, même avec les femmes, Sarkozy n’a pas démérité.

Pote de lycée de Sarkozy donc, enfin pote, pas certain, disons qu’ils ont fréquenté le même établissement, peut-être ne se sont-ils jamais croisés après tout. François Hollande, son truc avec les filles, c’est de frimer en scooter et d’avoir de l’humour. Et la chance aussi, faut pas l’oublier celle là ! Pour gagner l’élection de 2012, il aura quand même fallu que Strauss Kahn laisse traîner sa bistouquette là où il ne faut pas et que Chevènement et Taubira arrêtent de flinguer la gauche d’élection en élection. Il a pris soin de faire un petit régime de campagne pour soigner son image et paraître un peu moins rond, tous ces facteurs mis bout à bout auront concouru à le faire gagner à la surprise générale, au moment de se lancer il était crédité de moins de 3% dans les sondages, un exploit que réalisera Hidalgo quelques années plus tard. La dernière botte de Nevers de ce Corrézien d’adoption, lui aussi, c’est le machiavélisme. Très tôt dans sa vie, dès l’enfance en fait, il avait compris que pour obtenir beaucoup, il fallait commencer par donner un peu, sans attendre que ses parents ne lui demandent. Un gamin qui comprend ça ne pouvait que devenir président, Apollon ou pas.

Last but not least, le dernier mais pas des moindres, celui qui maîtrise sans doute le mieux l’anglais parmi ses sept précédents collègues sans toutefois faire de miracle non plus, l’homme de l' »en même temps », que certaines mauvaises langues croient homosexuel, ce qui ne change rien à son charme, Emmanuel Macron. Perso, j’ai voté pour lui, trois fois, deux fois en 2017, une fois en 2022, au second tour, j’ai voté Hidalgo au premier, on doit être quatre ou cinq en tout, mais je ne suis pas sensible à son charme. Je ne sais pas ce que tout le monde lui trouve. Il a une voix de basset, une certaine suffisance, il n’est pas spécialement grand ni beau, il a certes de beaux costumes bleus taillés chez les meilleurs couturiers j’imagine, je le vois mal s’habiller chez Brice. A l’image de Giscard, je pense que Macron a surtout eu le bénéfice de la jeunesse et de l’audace en 2017, de la chance aussi avec l’affaire Fillon arrivant à point nommé. En 2022, il n’avait tout simplement personne en face de lui, la pauvre Marine ne fait vraiment pas le poids intellectuellement. Et Emmanuel a toujours été bon à l’oral, c’est ce que ces potes de Sciences Po et de l’Ena disent en tout cas.

Alors quid de Robert Hue – oups pardon d’Edouard Philippe ! – pour 2027 ? Difficile de savoir vraiment. Il n’a pas perdu les qualités qui lui ont permis d’être là où il est aujourd’hui et d’avoir suivi ce parcours : ténacité, intelligence, charisme mais il est certain aussi qu’avec cette enveloppe corporelle, il ne les incarne plus aussi bien qu’avant. Maintenant, si Will Smith vient coller une gifle à tous ceux qui se moquent de lui, ça peut changer la donne. Rendez-vous en 2027 pour un nouvel épisode d’Edouard, mon pote de droite.


Sources / Références :

Edouard, mon pote de droite, Episode 1, 2 et 3, Documentaires de Laurent Cibien, 2017, 2019 et 2021.

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