Femme des cavernes

Alors que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, comprendre égalité en droit, est devenue centrale dans notre société, Jean Guilaine, professeur d’archéologie au Collège de France (chaire Civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’âge du Bronze) vient de sortir une riche iconographie des femmes au temps du Néolithique (1) qui nous donne un éclairage pour le moins intéressant sur cette question manifestement ancienne.

Invité cet après-midi de Mathieu Vidard dans La terre au carré (2), le scientifique bat en brèche une idée qui avait circulé selon laquelle au tout début de notre histoire, il y a très très très longtemps donc, des milliers d’années avant que Ponce Pilate ne cloute un barbu bien connu sur une croix, la société de ces hommes préhistoriques était matriarcale, c’est à dire dirigée par les femmes. Un drôle de paradoxe alors que de parler d’hommes préhistoriques si les femmes y tenaient la première place. Il y avait belle et bien anguille sous roche. Une féministe avait dû se glisser parmi les premiers archéologues qui ont étudié la question et influencé ses collègues. La science a progressé depuis et on en sait aujourd’hui davantage sur cette époque, notamment grâce à des peintures rupestres datant de près de 10000 ans avant JC. Que nous montrent ces fresques des temps anciens ? Des bons hommes armés partant à la chasse ou se tapant dessus et des femmes dansant ou allongées, les seins nus. Jean Guilaine nous explique simplement ici que la domination masculine a toujours eu cours, d’une part parce que c’était lui le plus costaud des deux bipèdes et d’autre part parce que c’est lui qui avait le gourdin. Et comme l’a si bien dit Clint Eastwood dans Le bon, la brute et le truand (3), dans la vie il y a ceux qui ont un pistolet et ceux qui creusent. Quand l’homme a une massue et la femme n’en a pas, c’est la femme qui fait le ménage dans la grotte et qui prépare le ragoût de mammouth pour le soir. Elle a compris ou elle veut qu’on lui mette un poing sur son i. Voilà ce que nous enseignent les archéologues. On remarque également que les femmes sont systématiquement dessinées ou représentées à poil, poitrine proéminente et on parle d’une époque où il n’y avait ni Youporn, ni Jacquie et Michel et pas non plus Ovidie pour nous expliquer à quel point la pornographie moderne dégradait la dignité des femmes. Non, sans déconner ! En fait, déjà au Néolithique, les femmes étaient l’objet de tous les fantasmes des néandertaliens du coin, j’insiste sur le mot objet, car il était déjà question à cette époque primitive de possession et de luttes pour s’accaparer la femme de l’autre. Normal par conséquent que les hommes soient représentés armés, à la chasse ou se faisant la guerre.

Le plus inquiétant dans cette histoire, ou plutôt dans cette préhistoire, c’est qu’on a le sentiment que rien n’a vraiment changé malgré les millénaires écoulés et toute la philosophie du monde pensée et écrite. Rien de nouveau sous le soleil, les hommes continuent de vouloir des armes, et dans les pays où c’est autorisé ils ne s’en privent pas, pour aller tirer sur des animaux ou sur leur semblables, que ce soit dans une école au Texas ou en Ukraine. Et les femmes sont, pour la plupart d’entre-elles, cantonnées à la reproduction, la vie domestique, élever les enfants et se font tabassées quand elles ne sont pas d’accord avec cette organisation vieille comme le monde, eh hop un coup de gourdin sur ta tête, femme, retourne à la caverne !

Notes / Sources

(1) Femmes d’hier, Images, mythes et réalités du féminin néolithique, Jean Guilaine, Odile Jacob, 2022

(2) La terre au carré, émission de Mathieu Vidard sur France inter, 7 mai 2022 (cliquez ici pour accéder au podcast)

(3) Le bon, la brute et le truand, film de Sergio Leone, 1966

(4) Les Croods, film d’animation de Chris Sanders et Kirk DeMicco, 2013