Hope
Pendant les JO, les publicitaires profitent du fait que les gens sont heureux, détendus, notamment du porte-monnaie, enfin pour certains, pour diffuser quelques spots d’appel aux dons, par exemple pour la Ligue contre le cancer ou pour la SPA. Dans la pub de la SPA, on y voit un chien blanc tourné vers le mur la tête basse, l’air du faire du boudin, tel un gosse capricieux, ma chérie a même dit en le voyant, il est rigolo celui-là. Sauf que je suis allé voir sur le site de la SPA pour en savoir un peu plus et il se trouve que ce chien a été enfermé dans un espace réduit sans jamais aller dehors ou presque pendant dix ans. C’est tout de suite moins rigolo, vous en conviendrez. Voilà ce que les humains sont capables de faire subir à leurs meilleurs amis les chiens, sans commentaire ! Ou plutôt si, un, cette propension à faire du mal à un animal n’est pas une spécificité française bien entendu, c’est ce que nous enseigne Hope, le livre autobiographique de Niall Harbison (1).
Quand je suis en Angleterre, il y a quelque chose que j’aime bien faire, aller en librairie pour acheter l’un des bouquins best sellers que l’on trouve en tête de gondole à l’entrée, en l’occurence la tête gondole qui achète ce qui lui passe à portée de main et d’œil, c’est moi. Mais bon bref, ceci est une autre histoire, celle de la consommation. J’étais il y a quelques semaine à Jersey, la plus anglaise des îles normandes, et j’ai respecté ma tradition personnelle. Les Anglais sont fans de biographies, il y en avait pour tous les goûts, sport, politique, histoire, people, j’hésitais de mon côté entre les bio de deux alcooliques pas très anonymes, d’un côté Matthew Perry, l’ancien acteur vedette de la série Friends, décédé prématurément en fin d’année dernière, sans doute un récit bouleversant sur les affres de la célébrité, surtout lorsque l’on n’est pas costaud mentalement et en proie à cette addiction qu’est la boisson. De l’autre, Niall Harbison, un Irlandais émigré à Bruxelles avec ses parents quand il était petit et qui a démarré sa carrière professionnelle comme chef cuisinier, dans des restaurants étoilés ou sur des yachts puis a fondé une start-up de recommandations de restos à Dublin avant de finir dans un hôpital de Bangkok ivre mort après un nouvel an et une vie trop arrosés. Trois jours de coma éthylique plus tard, Niall sort de l’hosto et décide de changer de vie pour se consacrer aux chiens des rue en Thaïlande. Bon bah, tant pis pour Matthew Perry, me dis-je, peut-être une autre fois, va pour Niall et les chiens thaïlandais.
Il y a en Thaïlande des milliers de chiens qui errent dans les rues, seuls ou en bande organisée, comme les rappeurs Marseillais, plus ou moins nourris, plus ou moins en bonne santé, plutôt moins que plus bien évidemment. C’est en rencontrant l’un d’eux que Niall s’est lancé dans cette aventure folle de vouloir en prendre soin, d’abord la nourriture, puis la santé et enfin la stérilisation car le monde des chiens de la rue c’est l’inverse d’une bonne fête à la maison, moins on est de fous plus on rit. Hope, c’est le nom de l’un de ces chiens, une femelle pour être précis, espoir est un nom masculin en français, chez les Anglais, les noms n’ont pas de genre, ce qui est pratique. Hope, espoir donc, est une petite chienne de cinq ou six ans qui avait des tas de tumeurs cancéreuses partout sur la peau et n’en avait plus pour longtemps avant de rejoindre la paradis des chiens thaïlandais, bien fourni à ce qu’on dit, pire que la SPA en France. Elle avait été recueillie par un jeune handicapé mental qui voyant sa chienne d’adoption ne plus bouger pendant des jours avait fini par appeler Niall à la rescousse. Niall avait revendu les parts de sa start-up pour se consacrer entièrement à son projet, il était donc en mesure d’aller voir un vétérinaire et d’engager des frais, ce que jamais un Thaïlandais sain d’esprit n’aurait fait, et encore moins un jeune handicapé sans le sou. Le premier véto qu’il voit lui dit que c’est sans espoir. Le second pareil. Sauf que Niall est un fichu Irlandais têtu comme un mulet, il tente un troisième vétérinaire, qui lui dit bien connaître ce type de tumeur et même un traitement possible, long, coûteux et sans garantie. Je vous la fais courte mais la chienne ira au bout de son traitement, guérira de ses tumeurs, deviendra la mascotte de l’association de Niall et aura des centaines de fans sur Instagram à travers le monde, d’où son nom, Hope.
Hope est un merveilleux exemple, hors normes, parmi des dizaines de chiens, des centaines d’autres, tant les cas sont nombreux et les besoins immenses. Tel chien lacéré de coups de machette, tel autre, ancien chien de combat, laissé pour mort, sans parler de ceux qui disparaissent sans laisser de traces. C’est qu’une partie de la population locale se débarrasserait bien du problème de façon radicale, problème car les chiens errants peuvent être dangereux, surtout ceux qui ont été battus et ont désormais peur des humains. Et puis ils véhiculent parfois des maladies graves telles que la rage. L’association de Niall, si elle a son intérêt, ne fait pas l’unanimité, loin de là. Mais lui persévère et persévérera longtemps car comme il le confie dans ce livre, ce n’est pas lui qui sauve ces chiens, c’est eux qui l’ont sauvé. Sans eux, il serait certainement mort dans son lit après une beuverie, étouffé par son vomis.
Moi, comme vous le savez si vous me lisez, j’ai grandi avec des chiens et je les connais donc bien. Je sais l’amour qu’ils vous apportent sans contrepartie, ils ne vous jugent pas, ne vous regardent pas de haut mais d’en bas, ils sont là au premier jour comme au dernier, ils sont d’ailleurs bien souvent les meilleurs compagnons des personnes âgées, c’est pourquoi on parle de plus en plus de les accepter dans les maisons de retraite. Alors je ne peux pas tolérer qu’on leur fasse du mal, c’est inconcevable pour moi. J’ai grandi avec des chiens mais étonnamment je n’en ai jamais eu à moi depuis que je suis adulte. J’ai plutôt misé sur les chats, plus indépendants, plus autonomes, plus simples à gérer. Je nourris néanmoins l’espoir d’en avoir un un jour prochain, pas uniquement pour moi, qui connais déjà ce que cela apporte, ce supplément d’âme et d’amour dont on a tant besoin à certains moments de notre existence, surtout pour mes enfants, pour que, comme pour Niall, cela leur enseigne si ce n’est le sens de la vie, au moins le sens d’une vie, dont il faut prendre soin.
Sources / Références
(1) Hope, How street dogs taught me the meaning of life, Niall Harbison, HarperElement, 2023
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