Impasse sanitaire

La crise sanitaire commence à prendre une drôle de tournure. J’ai voulu aller au cinéma, on m’a demandé la preuve que j’étais bien vacciné et vérifié ma carte d’identité. Ambiance douanière. Plus tard, en allant chez Décathlon, mon magasin préféré, une enseigne née la même année que moi, une conseillère me crie dessus de remettre mon masque qui était resté scotché sur mon menton, genre chirurgien à la sortie du bloc. Je me retourne, arrêté dans mon élan enthousiaste face à tous ces articles de sport, agressé même, on peut le dire, ok j’avais oublié de remettre ce fichu masque mais bon j’en avais un et puis je discutais avec mes enfants, je n’étais pas concentré ni au garde à vous. Passablement agacé donc, je lui réponds : « c’est bon, ne me parlez pas comme ça, je ne suis pas un terroriste non plus, ça va cinq minutes cette hystérie collective ». La nana ne se démonte pas, elle veut visiblement en découdre avec moi, simple client qui franchissait simplement les portes de son magasin. Elle me répond avec des yeux revolver, comme le chantait Marc Lavoine, il n’y aucun rapport !

Eh bien si, figurez-vous chère mademoiselle de Décathlon aux yeux mitrailleurs, il y a un rapport. Quelqu’un oublie de remettre son masque et vous lui criez dessus comme s’il était en train de partir avec la caisse, enfin non puisque j’étais en train d’arriver, mais bon bref vous m’aurez compris, la conseillère pète un plomb parce que je n’ai pas remis mon masque, qui est là, juste sous ma bouche, pas besoin de sortir le lance-flamme pour que j’obéisse. Si, il y a un rapport. Aujourd’hui, il y a une personne sans masque dans un magasin et c’est panique à bord. Il y a peu encore, un homme masqué dans un magasin, on lui aurait envoyé les vigiles de peur qu’il ne commette un braquage, ou pire, une prise d’otage, un attentat. Aujourd’hui c’est le contraire, c’est l’homme démasqué que l’on prend au colbac pour ne pas infecter les autres.

Et c’est pareil partout. Non seulement l’Etat est devenu hyper policier mais les citoyens eux-mêmes sont devenus policiers. Oubliez votre masque, ne vous lavez pas les mains à coup de gel ou toussez, vous verrez les regards obliques se jeter sur vous, sans compter les plus zélés qui vous demanderont de vous mettre au diapason ou de dégager.

A voir à quoi ressemble ce début de XXIème siècle, Orwell lui-même se friserait les moustaches. Le 2 juin, Emmanuel Macron affirmait : « J’ai envie de dire, en 2021, les vacances c’est en France et c’est encore mieux ». Eh bien bonjour les vacances ! Vous voulez aller au resto, pass sanitaire, en boîte, test antigénique, au cinéma, à la plage, pass sanitaire et re-pass sanitaire, comme à la belotte. On demande ainsi à des serveurs, des videurs, des plagistes de jouer les gendarmes en demandant à tout va une autorisation de circuler (le fameux pass sanitaire) et bien sûr la carte d’identité pour prouver que c’est bien le vôtre de pass et que vous ne l’avez pas acheté chez cette Grenobloise qui en vendait des faux. Macron avait raison, nous sommes en guerre et en général pendant les guerres, il y a du marché noir. Jambier, j’veux mes 2000 francs Jambier !

Jambier : Qu’est-ce qu’il y a encore ?

Grandgil : Rien, mais c’est plus lourd que je ne pensais. J’crois qu’il va me falloir 2000 francs de plus.

Jambier : C’est sérieux ?!

Grandgil : Comment, si c’est sérieux !

Jambier : Rien du tout, vous m’entendez, rien du tout !!!

Grandgil : J’veux 2000 francs, nom de Dieu, Jambier, Jambier, 2000 francs !!!

Jambier : Rien du tout !

Marcel : J’lui casse la gueule ?

Grandgil : Jambier, j’veux 2000 francs, Jambier, 45 rue Poliveau !

Jambier : Oui, oui, on l’sait, plus un franc, plus un sou !

Marcel : Mais laissez-moi l’descendre !

Grandgil : JAMBIER ! JAMBIER ! JAMBIER ! JAMBIER ! JAAAMMMMMBIER !!!

Mme Jambier : Et ben, vous êtes pas fou ? On vous entend de partout !

Y a des jours comme ça où on aurait bien envie de brailler à pleins poumons comme Jean Gabin dans La Traversée de Paris (1).

Non mais dans quel monde on vit ? Le pire dans tout ça, c’est que cela ne servira peut-être à rien. Car une crainte persiste, comme le souligne Aurélie Wiedemann, immunologiste au Vaccine Research Institute à Créteil (2), la planète est en ce moment un véritable incubateur à variants. Le variant Alpha (Anglais) était quatre fois plus contagieux que la souche initiale et le variant Delta (Indien) est lui au moins 60% plus contagieux que le variant Alpha. Or plus le variant est différent de la souche initiale, plus il y a de chances, ou plutôt de malchances, qu’il passe entre les mailles du filet de la vaccination. Autrement dit, le vaccin n’aurait plus aucun effet sur le virus et nous serions de retour à la case A, sans plan B.

La folie deviendrait alors totale, des millions de gens vaccinés mais confinés quand même car potentiellement contagieux et mortels pour quiconque les croiserait. L’économie de nouveau à l’arrêt mais plus les moyens d’indemniser comme les Etats l’ont fait jusqu’ici, la folie générale.

Bref, ce pass sanitaire est en réalité une impasse sanitaire qui nous mène droit vers une nouvelle forme de guerre civile ou tout le monde est potentiellement l’ennemi de tout le monde. La seule vraie solution à ce stade, c’est de laisser les gens vivre, ou mourir, si tel est leur destin, tout en protégeant les plus faibles, car si on doit de nouveau enfermer tout le monde chez soit, j’ai bien peur que des Grandgil, comme moi, émergent à tous les coins de rue.

Jambier !

Références

(1) La Traversée de Paris, de Claude Autant-Lara avec le trio infernal Gabin, De Funes, Bourvil, 1956.

(2) Covid-19, l’immunité à l’épreuve du Delta, L’Obs N°2960 – 15/07/2021