Itinéraire d’un enfant gâté
Aujourd’hui aux Invalides, on rendait hommage à Jean-Paul Belmondo, alias « Bébel », décédé cette semaine à l’âge de 88 ans. Ah Bébel ! Une légende du cinéma populaire pour tout cinéphile qui se respecte, ce que je suis depuis le plus jeune âge.
Alors je vais faire bondir les puristes, mais je ne suis pas fan d’A bout de souffle. En fait, je ne suis pas très Godard, ni même très Nouvelle vague à vrai dire. Il est vrai que le contexte de l’époque était riche : Trente glorieuses, révoltes étudiantes et ouvrières, guerre d’Algérie, Mouvement de Libération des Femmes… Et puis les Truffaud, Rohmer, Chabrol, Malle, Resnais, Varda, entre autres, révolutionnaient le cinéma tel qu’on l’avait connu depuis la fin de la guerre, c’est à dire très influencé par Hollywood. Alors je leur tire volontiers mon chapeau. Seulement, je suis né la décennie suivante, celle des débuts de Spielberg et Lucas, par exemple, la revanche des Américains en quelque sorte.
Cela étant, comme tous les Français de mon âge, et même ceux d’avant, j’ai grandi avec des films de De Funès, Bourvil, Delon et Belmondo. De Funès, le comique énervé, Bourvil, le comique gentil, voire même un peu niais, disons-le franchement, Delon, le ténébreux et Belmondo, l’énergie et les châtaignes. Le costaud souriant, cascadeur au grand coeur. Je n’ai pas vu toute la filmographie de Belmondo, loin s’en faut, mais ceux que j’ai vus, je m’en souviens encore très bien.
Je me souviens du Professionnel avec cette scène de fin mythique, où l’ancien flic qu’il interprète s’en va rejoindre l’hélicoptère, un fusil à lunette pointé sur lui, qui l’abat finalement, et l’hélicoptère s’envole sur une musique d’Ennio Morricone. Une scène d’anthologie ! Je me souviens de l’As des As et de son face à face avec Hitler ou de sa cascade en vol sur un avion d’époque. Et cette Mercedes blanche, longtemps j’ai rêvé d’en conduire une comme ça. Je me souviens du Cerveau, avec Bourvil, où les deux compères tentent de réaliser le casse du siècle, bien avant el Professor de la Casa de Papel, et finissent accrochés à une statut de la liberté en carton pâte, les billets partant au vent sur le port du Havre. On sait maintenant comment Edouard Philippe a financé les travaux du centre-ville. Je me souviens de Peur sur la ville, d’Un singe en hiver, du Guignolo, du Magnifique et de tant d’autres.
Mais je me souviens surtout d’Itinéraire d’un enfant gâté, de Claude Lelouch, qui est pour moi un chef d’oeuvre de bout en bout. La scène du Test avec Anconina, ça aussi c’est une scène d’anthologie.
Sam (Belmondo) : T’as souvent l’air étonné
Al (Anconina) : Ah bon !
Sam : Tu vois ! Je vais te faire un test. Je vais te dire des choses qui vont t’étonner mais tu ne devras pas avoir l’air etonné.
Al : Ah !
Sam : Tu sais que ton père était avec le petit pompiste ?
Al (les yeux effarés) : Ah bon !!!!!
Sam : Tu vois, t’as l’air étonné, là.
Al : Bah oui mais quand même…
Et après il lui apprend à dire bonjour, c’est vrai que c’est important de dire bien le bonjour.
Ou la scène de fin, au cinéma il faut toujours soigner sa scène de fin, quand il s’en va avec un lion à ses côtés. Lion, c’est aussi le nom de son personnage, Sam Lion. Je l’aurais bien vu finir comme ça moi, Belmondo, s’en allant dans la savane avec un lion, plutôt que dans le lit d’un hôtel particulier quai des Orfèvres. Cela lui aurait ressemblé. Mais bon, la réalité ne dépasse pas toujours la fiction.
Et puis il y a cette chanson qui donne à réfléchir à quiconque l’écoute une fois dans sa vie :
J’ai du succès dans mes affaires
J’ai du succès dans mes amours
Je change souvent de secrétaire
J’ai mon bureau en haut d’une tour
D’où je vois la ville à l’envers
D’où je contrôle mon univers
J’passe la moitié de ma vie en l’air
Entre New York et Singapour
Je voyage toujours en première
J’ai ma résidence secondaire
Dans tous les Hilton de la Terre
J’peux pas supporter la misère
J’suis pas heureux mais j’en ai l’air
J’ai perdu le sens de l’humour
Depuis qu’j’ai le sens des affaires
J’ai réussi et j’en suis fier
Au fond je n’ai qu’un seul regret
J’fais pas ce que j’aurais voulu faire
J’aurais voulu être un artiste
Pour pouvoir faire mon numéro
Quand l’avion se pose sur la piste
À Rotterdam ou à Rio…(1)
Salut l’artiste !
Et merci.
Snif !
Références :
A bout de souffle, de Jean-Luc Godard, 1960
Un Singe en hiver, d’Henri Verneuil, 1962
Le Cerveau, de Gérard Oury, 1969
Le Magnifique, de Philippe de Broca, 1973
Peur sur la ville, d’Henri Verneuil, 1975
Le professionnel, de Georges Lautner, 1981
L’As des As, de Gérard Oury, 1982
Itinéraire d’un enfant gâté, de Claude Lelouch, 1988
(1) Le blues du businessman, de Michel Berger et Luc Plamandon, Starmania, 1978
15 scènes/répliques cultes de Bébel
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