# EconomiX

Galbraith

11 décembre 2020

Un autre John, John Kenneth, pour être précis, Galbraith (1908-2006), économiste américano-canadien du XXème siècle, nous explique dans l’Ere de l’Opulence (1958), qu’hypnotisés par les incitations permanentes de la publicité sous toutes ses formes et l’obsolescence programmée* des appareils que nous achetons, nous sommes coincés, tel un hamster dans une roue, dans le mécanisme infernal du toujours plus. Plus d’achats => plus de profits => plus de pub => plus de désir artificiel => plus d’achats => plus de profits => plus de pub => plus de désir artificiel=>plus d’achat… aaaahhhhh sortez-moi de là !!!!!

Comme le faisait déjà remarquer Galbraith à la fin des années 50, « Plus de gens meurent aux Etats-Unis de trop manger que de ne pas assez manger. Là où la population était censée faire pression sur l’offre alimentaire, c’est désormais l’offre alimentaire qui fait inexorablement pression sur la population. » (1958). Soixante ans après, on pourrait même dire que plus de gens meurent de bouffer de la merde, passez-moi cette expression chère à Jean-Pierre Coffe, que de ne pas manger. Cela étant, c’est un point de vue très occidental et bobo j’en conviens et si les restos du Cœur et autres associations caritatives similaires n’existaient pas, je ne dirais sans doute pas la même chose. Mais le problème n’est pas là.

Le problème est que nous ne sommes plus des citoyens éclairés, si tant est que nous l’ayons jamais été, nous sommes devenus des consommateurs, c’est à dire des cons qui somatisent. Nous voulons à tout prix des biens que nous pensons, ou croyons penser, essentiels alors que la plupart du temps, ils sont totalement superficiels.

Descartes pensait que nous sommes parce que nous pensons, ou plus précisément que nous sommes parce que nous pensons et que nous pensons parce que nous doutons (le fameux dubito, ergo cogito, ergo sum). Si vous n’avez rien compris, c’est normal. Mais Descartes non plus n’avait rien compris, en tout cas il n’avait pas imaginé la façon dont l’homme évoluerait. Aujourd’hui, c’est pas je pense mais je dépense, donc je suis. Pas loin !

Avoir un seul jeans, c’est peu, mais ça peut suffire si on le lave souvent. En avoir quatre ou cinq, c’est cool, on a le choix. Mais en avoir quinze ou vingt, à quoi cela peut-il bien servir ? Et surtout les achète-t-on parce qu’on l’a vraiment décidé, en plein conscience, parce qu’on en a besoin, où est-ce parce qu’on est influencé par des forces marketing subliminales puissantes : la mode, la pub, le bouche à oreille boosté par les réseaux dits sociaux, les images qui bougent en permanence devant nos yeux sur les écrans, petits, moyens et grands, les people, les placements produits dans les films… nous avons tout simplement perdu le contrôle, comme Jack Nicholson après sa lobotomie (section des nerfs cérébraux) dans Vol au dessus d’un nid de coucou (1975).


*L’obsolescence programmée, c’est la capacité de certaines marques ou entreprises à faire vieillir prématurément leurs produits pour que nous en achetions d’autres, idéalement à eux, alors que nos produits auraient normalement pu (dû) tenir encore des années.

Le champion de l’obsolescence programmée, c’est Apple. Apple en fait, c’est le champion des champions des entreprises. Une boîte qui avait viré son fondateur et qui peinait à vendre ses vieux ordinateurs en plastique au milieu des années 90 et qui développa ensuite grâce au retour de celui-ci l’iPod puis l’iPhone. Aujourd’hui la valorisation de la pomme à Wall Street est supérieure à celle des 40 plus grosses entreprises françaises (le CAC 40).

Apple est le champion de l’obsolescence programmée, disais-je. Je vais vous raconter une anecdote personnelle qui va vous montrer comment ça fonctionne. Comme tous les ans au moment de Noël, je fais un album de photos sur iPhoto sur mon MacBook. Et là, pas de chance, mon MacBook me dit que le système d’album nécessite une mise à jour de iPhoto. Comme je suis complètement con, je clique sur mettre à jour iPhoto. Mais pour ça, il faut mettre à jour le système d’exploitation (iOS) et comme je suis doublement con, je le fais. Et là je constate que mon MacBook qui jusque là fonctionnait très bien, est devenu extrêmement lent à cause du nouveau système d’exploitation. Inutilisable le MacBook ! Je voulais juste un album photo et je me retrouve à devoir acheter un nouveau Mac. Et comme je suis triplement con, je le fais et le pire c’est que je suis content parce qu’il est trop cool le nouveau mac. En tout cas, je comprends comment s’est construit leur empire. Et moi, à ce niveau de connerie, je pense que c’est incurable !

Apple c’est la sorcière dans Blanche Neige et les sept nains. Elle nous a tendu une pomme empoisonnée et depuis nous dormons.

Apple, c’est l’illustration parfaite de la théorie de Galbraith.


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