# PolitiX

La Gaule de bois

21 juin 2022

Je ne sais pas ce que vous pensez de cette élection, mais moi, elle ne me dit rien qui vaille pour l’avenir de ce pays. Je dirais, pire même que l’élection présidentielle de 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s’était retrouvé au deuxième tour face à Jacques Chirac, mangez des pommes, qu’il disait le grand ! Ce fut un choc, les gens sont descendus dans la rue. Ce n’était que le début et aujourd’hui les gens ne descendent même plus. Et pourtant, il y a une vraie différence entre ces élections législatives et l’accès de Jean-Marie et après lui de Marine, au second tour de l’élection majeure, de manière quasi systématique maintenant. Jusqu’à hier, on pensait que toute l’extrême droite reposait sur un nom un seul, Le Pen. Sitôt disparue de la vie politique, ce qui finirait bien par arriver, nulle n’est immortelle, les nationalistes finiraient comme tous les partis traditionnels, c’est à dire en dessous de la barre des 5%. On sait à présent qu’il n’en est rien. Le nationalisme s’est enraciné un peu partout en France, la France des villes mais surtout celle des champs, et avec ou sans Le Pen, cette lame de fond bleu marine restera présente dans les esprits et les urnes pour un bon bout temps, aussi longtemps que les gens auront le sentiment d’être déclassés, dévalorisés, en sursis, c’est à dire longtemps donc car on voit mal ce qui va remettre la France sur les rails du progrès social et économique dans ce grand bain mondial où elle pèse de moins en moins lourd, tout comme la plupart des pays occidentaux d’ailleurs. L’avenir n’est pas rose non mais bleu, d’autant que ceux qui l’incarnent, la jeunesse, ont envoyé un message clair lors de ce scrutin, à l’instar des précédents. Les moins de 30 ans ne sont pas allés voter à 70%, tandis que les plus de 60 ans y sont allés à 70%. Si ce n’est pas un fossé générationnel et culturel, je ne sais pas ce que c’est. Les jeunes disent aux vieux, qui détiennent seuls les manettes de la playstation, fuck you, allez-vous faire foutre, vos élections, on n’en veut pas. Vous nous laissez un pays ruiné, c’est ce qu’avait dit Fillon le jour de son arrivée à Matignon avant d’alourdir encore davantage l’addition avec sa famille de profiteurs, un pays ruiné donc, pollué, désindustrialisé, déclassé scolairement, socialement, économiquement et vous voulez qu’on vous donne notre quitus pour pouvoir continuer de faire semblant que tout va bien et qu’Ensemble, puisque c’est le nouveau nom des Macroniens et de leurs alliés de l’extrême centre (Modem) et du centre droit (Horizons), on va trouver des solutions. En réalité, il n’y pas d’ensemble. Il n’y a plus d’ensemble, Jérôme Fourquet l’a bien démontré, chiffres à l’appui, dans cet archipel qu’est devenue la France. Les législatives 2022 viennent de le confirmer.

Mélanchon peut jouer les fanfarons, d’ailleurs il serait sans doute très bon dans une battle d’éloquence, le roi de la punchline, la petite phrase qui tue, comme la police, mais il ne contribue pas à apaiser ce pays qui lui a tant donné. Il l’emmène au contraire vers le chaos politique et social. Le prochain quinquennat s’annonce comme un souvenir de la quatrième République, un pays ingouvernable, bloqué, figé, alors qu’on a un besoin urgent d’avancer. Je vise Mélanchon et peut-être que je me trompe de cible au final. Mélanchon représente l’opposition, donc il s’oppose, avec le talent de tribun qu’on lui connaît. Le vrai responsable de ce blocage politique, et ce depuis le tout début de son premier mandat, c’est Emmanuel Macron lui-même. Ses cinq premières années se résument en quatre temps d’une valse funeste : gilets jaunes, crise des retraites, Covid et Ukraine pour terminer ce qui constitue une belle tartine de merde. Malheureusement, la séquence qui commence s’annonce du même acabit. Monsieur le Président sortant rentrant n’a pas daigné faire campagne pour ne serait-ce qu’essayer de défendre son bilan, si indéfendable soit-il, faire le job, relever les manches comme il l’a fait si souvent pour la campagne de 2017. Mais en 2022, point de manches retroussées et de mains dans le cambouis, il était confiant, la bonne stratégie serait le retrait, la discrétion, l’absence.

Et voilà le résultat, les électeurs, enfin ce qu’il en reste, ont boudé les élections, ont boudé les candidats de la majorité devenue minorité et ont plébiscité les nationalistes. Bravo Monsieur M., vous nous avez mis un beau bordel dans les institutions de ce vieux pays. Mais au fond, me dis-je, ce n’est peut-être pas plus mal ainsi. Peut-être devons-nous aller au bout de ce processus de destruction créatrice, comme disait Schumpeter, pour que du chaos renaisse autre chose que Renaissance, que renaisse une nouvelle manière de faire de la politique. Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? On a encore le droit de rêver non ?

Sur ce, je vais aller boire un coup pour noyer ma gaule de bois.

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