# SociétiX

L’Agence

5 avril 2024

Bon, c’est bien gentil tout ça, les résistants exécutés au Mont-Valérien, les attentats de Moscou, Gaza et la ruine de l’Etat français, mais ça fout carrément le blues du business man et ça ne nous ramènera ni Mike Brant, ni Kurt Cobain ou Emy Winehouse. J’ai bien besoin de me faire un billet plus léger.

On peut critiquer Netflix et le streaming, on peut s’inquiéter pour le cinéma grand écran et les salles obscures, il n’empêche qu’au delà des séries, ils ont apporté quelque chose d’absolument génial, les documentaires. Je suis un fan absolu de leurs documentaires car ils nous permettent de rentrer dans les coulisses d’univers auquels on n’aurait jamais accès sinon. La Formule 1 les remercie d’ailleurs car la série qu’ils leur ont consacré (Formula 1 : Pilotes de leurs destins) a complètement relancé l’engouement du grand public pour ce sport automobile élitiste et désuet. Moi par exemple, je ne regarde jamais les Grand Prix mais j’ai vu toutes les saisons de la série car on y voit la vie dans les paddocks, là où tout se noue et se dénoue. Je suis un vrai fan je vous dis, les documentaires de sport, le basket (Last Dance), le golf (Full swing), le tennis (Break point), les documentaires historiques, politiques, géographiques… Tout est génial, tant sur le fond que sur la forme, car avec les moyens humains, techniques (caméras HD, drones, archives, etc.) couplés avec les moyens financiers de Netflix, le résultat ne peut être qu’exceptionnel. Une chance pour des millions de gens comme vous et moi de s’informer, se cultiver et vivre des expériences, certes par procuration, que jamais nous ne pourrions vivre autrement car notre vie à nous, c’est plutôt métro, boulot, dodo ou alternativement bagnole, école, boulot, école, et bagnole encore, puis dodo car à la fin de la journée on est rincé, en tout cas pas le temps d’aller pister la panthère des neiges avec Munier et Tesson car d’une, on n’a pas le temps et de deux, on ne les connaît pas. Donc c’est génial et c’est une chance. Sujet moins romantique et aventureux que la panthère des neiges, mais néanmoins impressionnant, l’immobilier de luxe !

J’ai découvert il y a quelques années la série L’Agence (1), diffusée d’abord sur TMC, Monaco oblige, puis sur Netflix. C’est l’histoire d’une famille, les Kretz, qui ont créé leur agence dans l’immobilier de luxe à Paris et qu’on voit se développer au fil des années, d’abord en France puis à l’international. L’intérêt de ce documentaire est double selon moi. Le premier, là encore, est de visiter des maisons que jamais nous n’aurions pu voir autrement, à moins de gagner des millions et encore. Le second est de suivre une famille à peu près classique, à ceci près bien entendu qu’ils vivent aujourd’hui dans des conditions très privilégiées, l’immobilier de luxe forcément, mais sinon on arrive assez bien à s’identifier à eux ou plutôt à les suivre partout au point qu’on a l’impression de faire partie de la famille, nous les téléspectateurs assis dans leur canapé.

Il y a Sandrine et Olivier, les deux parents, fin de cinquantaine, début de soixantaine, qui ont fondé l’agence. Auparavant, Olivier était directeur commercial et Sandrine institutrice, pas de quoi casser trois pattes à un canard d’un point de vue financier. Puis il y a les quatre fils, Martin l’aîné et le beau gosse de service, blond aux yeux bleus, sourire ultra bright, le Brian de Gad Elmaleh en quelque sorte, quoiqu’il fasse, il est beau ce Martin. Il y a Valentin, le deuxième, punchy, dynamique, sympa, moins hautain peut-être que Martin, faut dire qu’on le voit perdre ses cheveux à vue d’oeil, le pauvre, un point commun avec le troisième, Louis, qui a les cheveux dégarnis sur le dessus, long derrière, pas évident quand on a seulement trente ans et qu’on bosse dans le luxe, mais c’est sans doute le plus marrant de la bande. Y a enfin Raphaël le petit dernier, qui ressemble un peu à Martin, tant par l’apparence que par l’arrogance, à moins que ce ne soit tout simplement de la timidité, les deux peuvent se confondre parfois. Mais qu’importe les qualités et les défauts, physiques ou psychologiques, des uns et des autres, ce qui est bien dans cette série c’est qu’on aurait bien envie d’avoir des frères comme ça, qu’on soit un garçon ou une fille d’ailleurs, peu importe après tout. J’allais oublier le plus important, la plus importante même, Majo, la grand-mère de 90 ans, toujours dans les parages, toujours bienveillante, toujours la pêche, telle Poupette dans La Boum, et toujours prête à suivre la famille aux quatre coins du monde, car c’est là que l’Agence nous emmène. J’ai zappé les belles filles, non pas qu’elles soient inintéressantes, mais elles jouent un rôle somme toute secondaire, bien que fondamental dans leurs vies à eux, Eve reprochant à Martin de ne pas passer assez de temps avec elle et leurs deux enfants en bas âge, Charina, une mannequin et créatrice de mode originaire des Philippines qui s’obstine à ne pas vouloir parler français alors qu’elle est en France depuis près de dix ans, et Adriana qui épaule Louis dans la gestion de l’agence. Raphaël quant à lui, ne veut pas qu’on parle de sa vie sentimentale devant les caméras de Netflix, il y en a au moins un de censé dans ce monde de surexposition permanente.

Le sentiment qui me traverse quand je regarde cette série est ambivalent cependant. D’un côté, je suis fasciné par tant de beautés, que ce soit les maisons elles-mêmes que les endroits magiques où elles se situent, en ville, à la campagne, à la montagne, en France, à New York, au Brésil… On en prend vraiment plein les mirettes. Et les vues du dessus grâce aux drones sont souvent à couper le souffle et à tomber par terre, paradoxe volontaire. De l’autre, il est difficile de ne pas trouver tout ce luxe indécent vu la misère qui existe par ailleurs. Parfois, l’hyper luxe côtoie la misère noire à quelques dizaines de mètres de distance, à Paris, à San Francisco, en Inde, au Brésil, à Washington où on trouve non loin de la Maison blanche, que nos agents immobiliers de choc n’ont pas dans leur portefeuille, des quartiers et des populations laissés à l’abandon. Et puis, il y a tous ces clients fortunés qui annoncent des budgets à cinq, dix, vingt millions comme si c’était une paille et qui chipotent pour un rien, la lumière, la déco, la superficie, les matériaux, etc. Perso, à chaque visite, je fais waouh ! Tout est tellement beau !!! Je n’oserais pas critiquer quoi que ce soit, même si je ne partage pas toujours leurs goûts concernant la déco, chacun ses goûts après tout, et ses égouts. Ce qui me dégoûte au fond, c’est de faire des manières alors que la vie est plutôt généreuse avec vous, ce n’est pas une cuillère d’argent qu’ils ont dans la bouche, c’est toute l’argenterie de l’arrière-arrière grand-mère. Alors qu’ils la ferment ces acheteurs et qu’ils apprécient. Qu’ils kiffent quoi, c’est pas compliqué !

Le dernier point, et c’est une question très actuelle, c’est comment leur est venue vient l’idée de se mettre en scène et un peu à nu devant des millions de gens ? Des agents immobiliers, y en a des tas, de trop même, même dans le luxe, y en a beaucoup. Pourquoi tout montrer de sa vie, s’exhiber comme ça ? C’est dangereux je trouve. On m’a toujours dit que pour vivre heureux, fallait vivre caché, surtout quand on a de l’argent. S’exposer ainsi c’est risquer de se faire cracher dessus, voire pire, par bon nombre de connards planqués derrière leurs écrans. Ceux qui trouvent le concept intéressant seront bienveillants j’imagine, mais ceux qui trouvent ça indécent ne vont pas manquer d’aller déverser leur haine et leur frustration sur les réseaux sociaux, surtout en France où on n’a pas une grande appétence pour les riches.

En résumé, je prends un certain plaisir à voir cette famille unique à développer son business, un business qui ne plaira pas à tout le monde c’est certain, et grâce à eux visiter des endroits tout aussi exceptionnels, en France et dans le monde entier. J’ai hâte de découvrir la prochaine saison, Valentin s’installera-t-il définitivement à New York ? Martin réussira-t-il à faire entrer un intrus dans la famille Kretz ? Passera-t-il plus de temps avec Eve et ses enfants ? La suite au prochain épisode, comme on dit.


Sources / Notes

L’Agence, série documentaire diffusée d’abord sur TMC à partir de 2020, puis sur Netflix. 4 saisons.

Vous souhaitez intéragir ? Écrivez un commentaire !

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • Economix
    # EconomiX

    Economix

    7 décembre 2020
    Nous sommes dans la panade sanitaire, qui entraîne une de ces panades économiques comme on n'en a pas vu depuis longtemps  – et encore, on n’a rien vu, bon nombre d’entreprises vivent sous perfusion (chômage ...
    Lire la suite
  • Le mystère des lits de réa
    # PandémiX

    Le mystère des lits de réa

    2 mai 2021
    S'il y a quelque chose qui reste un mystère pour moi dans cette gestion de la pandémie, c'est bien le nombre de lits de réanimation. On nous explique depuis le début que la clé, c'est notre capacité à recevoir les ...
    Lire la suite