# HistoriX

L’Amérique

31 octobre 2024

L’Amérique n’est pas qu’un pays, ou plutôt un continent, Amérique du Nord, centrale, Amérique du Sud, c’est aussi une idée, une promesse, un mythe. L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai, chantait Joe Dassin en 1970. De quoi parlait-il ? De prendre le bateau ou l’avion pour d’aller faire le touriste en Amérique ? Non, il parlait de réussite, et si c’est un rêve, je le saurai, ajoutait-il dans le couplet suivant. What about us, chante aujourd’hui la chanteuse Pink, ce « us » qui peut vouloir dire les Etats-Unis, United States en anglais, ou Nous. Jeu de mot qui en dit plus long qu’il en a l’air, car l’Amérique c’est aussi Nous en effet, Nous les Européens, car c’est Nous les Européens qui sommes partis à la découverte de cette terre lointaine, au delà des océans, nous cherchions à rejoindre l’Inde. C’est d’ailleurs le navigateur florentin Amerigo Vespucci qui donna son nom à l’Amérique, l’un des premiers à affirmer qu’il ne s’agissait pas de l’Inde mais d’une nouvelle terre, promesse de conquêtes, d’aventures et d’enrichissement. Car il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt de philosophe fumant la pipe, si l’Amérique a été une promesse, c’était d’abord un promesse de richesse. L’homme a toujours été mu par sa cupidité et une nouvelle terre comme celle-ci représentait une telle opportunité que des centaines, puis des milliers, bientôt des millions d’Européens ont compris qu’il y avait peut-être là-bas un avenir radieux et doré, doré comme l’or, gold, là-bas, chantait à son tour Goldman, l’homme en or, le bien nommé, en 1987.

Mais l’Amérique n’est pas qu’une recherche de richesse, l’Amérique est aussi une grande idée pour bon nombre de philosophes et de penseurs. Si John Locke, le philosophe anglais, un des pères des Lumières qui ont libéré bon nombre de peuples européens du joug de la religion, y voyait une terre vierge où les autochtones étaient assimilés à la faune et à la flore et donc tout juste bons à être asservis, tout comme le seront les esclaves africains, John Locke sera d’ailleurs très investi dans le commerce des esclaves et l’exploitation des terres, comme quoi il y a toujours d’un côté ce que je dis ou j’écris et ce que je fais de l’autre, d’autres penseurs majeurs tels que Chateaubriand, excusez du peu, je serai Chateaubriand sinon rien, disait Hugo, y voyaient un pays idyllique et romantique où on peut communiquer, communier même et chasser aux côté des Indiens, gardiens ancestraux de ces terres sans fin. Bon clairement, Chateaubriand devait beaucoup fumer et idéalisait carrément l’histoire, après tout son métier c’était d’écrire de belles histoires, la réalité a été bien plus terrible on le sait. La réalité, c’est que les Européens ont débarqué avec leurs gros souliers et leur microbes, qui ont tué une partie des Indiens qui n’avaient d’Indiens que le nom que l’on leur a donné, l’autre partie a été soit soumise soit massacrée, comme ce jour funeste de 1890 à Wounded Knee dans le Dakota du Sud, une date et un évènement majeurs dans la culture amérindienne actuelle. L’Amérique moderne est née dans un bain de sang, peut-être est-ce parce que les premiers colons avaient eux-même été persécutés pour certains d’entre eux, une persécution qu’ils avaient fui et qu’ils ont répercutée sur les peuples autochtones.

Il ne faudrait cependant pas regarder uniquement cette part sombre de l’idée américaine. L’Amérique, c’est la première tentative de société égalitaire et démocratique, pas égalitaire au sens où nous sommes tous égaux, au début les femmes, les noirs et les Indiens étaient exclus du système, un retard de représentation qui n’est pas encore comblé à ce jour, égalitaire au sens de non-hiérarchique, contrairement à la société aristocratique qu’on avait connu en Europe, où il y avait au-dessus du peuple, une classe de dominants, nobles, aristocrates, souverains, monarques… L’Amérique s’est affranchie de ce système féodal pour construire une sorte d’homme nouveau, un homme démocratique, au sein d’une société démocratique, avec ses limites et ses paradoxes, dont celui d’exclure toute une partie de la population, mais tout de même, l’idée était là. C’est en tout cas ce que nous enseigne le Normand Tocqueville quand il revient de son voyage aux Etats-Unis dans les années 1830, et écrit De la démocratie en Amérique, un ouvrage fondateur pour beaucoup.

Il faut évoquer également la question du rêve américain, le fameux American dream, véritable mythe américain, vendu et survendu par Hollywood et qui fait débat aujourd’hui. Le rêve américain existe-t-il ou n’est-ce au fond qu’une vaste supercherie, une belle histoire qu’on se raconte en boucle pour continuer à vendre de la culture américaine à plein tube. Je pense que le rêve américain n’est pas différent des autres rêves, des rêves en général, tout comme les promesses, elles n’engagent que ceux qui les écoutent, mais en même temps, il n’y a que ceux qui y croient qui peuvent les réaliser. Le rêve américain existe bel et bien, depuis le tout début et les exemples sont nombreux. Les deux candidats à l’élection présidentielle américaine qui aura lieu dans quelques jours maintenant ne font pas exception. Lorsque le grand-père de Trump, Friedrich, quitte l’Allemagne en 1885, il n’est rien. Il débarque à Ellis Island comme des millions de congénères européens, commence à travailler comme barbier à New-York puis part faire des affaires, comme on dit, en Alaska. Son fils deviendra un riche promoteur immobilier à New York et son petit-fils milliardaire et POTUS, President of the United States (of America), en seulement trois générations, si ça ce n’est pas le rêve américain, je ne sais pas ce que c’est. Les parents de Kamala sont venus en Californie pour étudier dans une prestigieuse université et réussir leur vie. Leur fille a suivi leurs pas et deviendra peut-être la première femme présidente, là encore le rêve est beau. Un vrai cliché même.

A côté de ces exemples, nombreux quoiqu’on en dise, il y a la misère de millions d’Américains, la misère des premiers colons, dont peu ont survécu aux premières années, les années de famine et d’épidémies. L’Amérique a toujours été un beau rêve, une belle et grande idée de pays libre et démocratique, mais ce n’est pas gratuit et surtout pas automatique. Beaucoup ont tenté l’aventure au fil des siècles et tous n’ont pas réussi. L’histoire ne retient jamais le nom des perdants, tous ceux qu’on a enterrés en chemin lors de la ruée vers l’or, la conquête de l’ouest, les milliers de travailleurs morts en construisant les premiers chemins de fer, etc. Eux aussi ont fait l’Amérique, c’étaient des pionniers anonymes.

L’Amérique est donc beaucoup plus qu’un simple pays, c’est une idée, un rêve, un cauchemar pour certains, un mythe mais pas un comte de fée.


Source / Référence :

L’idée d’Amérique, Podcast de Géraldine Muhlmann, disponible sur Radio France.

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