Le bonheur est dans le jardin
Le magazine Question de Philo, dans son dernier numéro (1), pose la question de savoir si on peut encore être épicurien. La question serait plutôt, à mon sens, peut-on ne pas être épicurien ?
Il est vrai que l’hédonisme d’Epicure a souvent été caricaturé pour ne retenir que l’image libertine de recherche du plaisir, ou plutôt des plaisirs avec un s, au travers de nos cinq sens, qu’il s’agisse de sexe, de nourriture, de boisson ou de la beauté de la nature en général. Mais la pensée d’Epicure ne se limite pas à cela. Le but véritable, selon Epicure, c’est l’ataraxie, que l’on pourrait traduire par « la tranquillité de l’âme ». Pour l’atteindre, il ne faut pas s’occuper uniquement de l’esprit, mais également du corps, les deux étant indissociables. Pour atteindre la quiétude de l’esprit, il faut aussi que le corps soit « tranquille », libéré.
Et en écrivant ces quelques lignes, je me dis tout à coup, comme un flash, qu’Epicure, malgré sa recherche du plaisir, n’a pas dû avoir d’enfants, ou alors trop pour s’en occuper lui-même. Car quand vous avez des enfants, et que vous vivez avec eux, quelque soit leur âge, vous pouvez toujours vous brosser pour atteindre la tranquillité de l’âme. Avec des enfants, c’est plutôt « le chaos de l’âme », mais qu’importe, refermons cette parenthèse.
Après, c’est toujours la même chose avec la philosophie, qui est par définition la recherche d’une certaine forme de sagesse, l’important n’est pas la destination (la sagesse) mais le chemin (la recherche). Alors continuons, comme Proust, de partir à la recherche de la sagesse perdue.
Ce qui intéressant chez Epicure, c’est sa volonté de libérer les hommes du joug des dieux, et ce bien avant l’avènement des grandes religions monothéistes. Proche des idées de Démocrite et des Atomistes, pour qui l’âme n’était qu’un ensemble d’atomes en mouvement perpétuel et non une sorte d’émanation de soi, immatérielle et immortelle, il est donc important, selon lui, de rechercher le bonheur ici et maintenant, hic et nunc. En cela, les épicuriens se rapprochent des stoïciens, mais quand les premiers prônent la recherche d’une vie agréable, faites de plaisirs concrets, les seconds incitent à la méditation, le sacrifice et l’ascèse. Moins sexy comme vie ! Pour revenir sur l’atomisme, cela peut sembler une évidence en 2022, et encore, j’ai reçu cette semaine un courrier d’une obscure secte ventant le chemin de Jésus, le paradis, etc. non mais au secours les obscurantistes ! Démocrite et les Atomistes vivaient plusieurs siècles avant ce fameux Jésus, une époque ou on pensait que la terre était plate (il est vrai que certains le pensent toujours) et surtout avant que la science vienne éclairer les questions de physique et d’atome, c’est ce qu’on appelle avoir la vista, n’est-ce pas ?
Sur le plan de la place des femmes dans la cité, Epicure était également avant-gardiste, ce qui explique sans doute que ses idées rencontrent toujours autant de succès plus de vingt siècles après sa mort. Né en -341 sur l’ile grecque de Samos, d’un père instit et d’une mère « magicienne », on dirait aujourd’hui voyante, il revient quelques années plus tard à Athènes pour y fonder son école de pensée, qu’il nommera l’Ecole du Jardin. Dans ce jardin, qui était un vrai jardin avec des fruits et des légumes qu’on devait cultiver pour nourrir les disciples et les invités, les femmes étaient admises pour venir suivre les cours et y débattre comme tout un chacun. C’est sans doute ce qui vaut à l’épicurisme sa réputation sulfureuse.
Dans cette école, les cours étaient donnés par oral, faut dire qu’à l’époque il n’y avait pas de cahier, pas de stylo Bic et les tablettes étaient en bois. Mais nombre de ces cours ont voyagé jusqu’à nous pour nous permettre d’en retenir l’essentiel, l’essence même . Pour être heureux, disait Epicure, il faut certes prendre du plaisir, soigner son corps mais également penser et agir avec prudence, honnêteté et justice car ces vertus permettent d’éviter les conflits et le stress qui nuisent à cette fameuse tranquillité de l’âme recherchée.
Puis il ajoutait, bon maintenant on va aller boire un coup.
Le bonheur est dans le jardin, les amis !
Références
(1) Epicure, Ataraxie ou philosophie du plaisir, Question de Philo n°22, juillet/août/Sept 2021.
Epicure, Lettre à Ménécée, Texte intégral de Olivier Dhilly, Ellipses
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