Modèle Y

Il y a 167 ans jour pour jour, naissait à Smiljan, un petit village de l’actuelle Croatie, à l’époque empire d’Autriche, un certain Nikola Tesla. Peu connu pendant longtemps malgré les 300 et quelques brevets qu’il déposa, principalement dans le domaine de l’électricité, son nom est aujourd’hui mondialement reconnu grâce à un entrepreneur fou, Elon Musk, qui a eu l’idée en 2003 d’appeler ainsi une nouvelle marque de voitures électrique, une marque qu’on n’a plus besoin de présenter aujourd’hui, ni son fondateur d’ailleurs. Une belle idée business comme les Américains en ont tant, en tout cas un bel hommage à celui qui contribua toute sa vie à faire avancer la science, un génie méconnu dont la plupart des découvertes furent attribuées à tort à Edison et qui mourut dans le dénuement total, seul et malade, comme un chien presque.

Aurait-il imaginé qu’on donnerait un jour son nom à l’unité de mesure internationale de l’induction magnétique et à une marque de voitures révolutionnaire, la Tesla donc ? Un siècle après le lancement de la Ford T, Musk allait réussir l’exploit de vendre plusieurs millions de voitures 100% électriques avec à peu près toutes le même design, simple, épuré, efficace, un véritable phénomène de société planétaire. Et pourtant personne n’y croyait vraiment au début, c’est souvent comme ça vous me direz, ni les Japonais, pourtant leaders de l’industrie automobile, toujours un temps d’avance en termes d’innovation, notamment avec l’hybride, ni les Allemands, puissants constructeurs de voitures puissantes, Das Auto, ni les Italiens, amateurs de belles sportives aux lignes épurées, ni évidemment les Français, surtout bons à produire des véhicules utilitaires.

Faut dire qu’il fallait une certaine vista, et aussi de la grinta, pour oser investir des milliards de dollars dans la voiture électrique au début des années 2000, surtout au pays de l’essence pas chère, des 4×4 bodybuildés et des pick up de cowboys, définitivement pas écolos les Yankees ! Musk possède ses deux qualités, c’est indéniable, et après quelques années de démarrage médiocre, la fusée Tesla était mise sur orbite pour conquérir le monde et le futur.

Après le modèle S initial, une berline classe et passe partout, le modèle X, un vrai joujou pour grands gosses d’âge adulte qui ont été marqués par Retour vers le futur et la fameuse DeLorean avec ses portes qui s’ouvraient vers le haut, un vrai tas de boue ceci dit dans la vraie vie, mais finalement une voiture devenue culte grâce au film, la seule à voyager dans le temps. Le modèle X a aussi quelque chose du X Wing évidemment, le vaisseau spatial de Luke Skywalker dans Starwars. Cependant, les Européens n’étant pas comme les Américains, c’est à dire qu’ils n’ont pas forcément envie que tout le monde les regarde quand ils arrivent et ouvrent les portes de leur voiture et ils n’ont pas forcément non plus un garage de 5 mètres de haut, alors pour ces modestes Européens, Tesla a conçu un modèle X avec des portes qui s’ouvrent normalement, c’est à dire avec une partie fixe à droite et l’ouvrant sur la gauche, donnant à la voiture une forme de Y quand on la regarde du haut, ce qui entre nous n’arrive jamais, qui regarde sa voiture d’au-dessus, à part si vous habitez dans un immeuble, mais vous avez peut-être mieux à faire que de regarder votre voiture quand vous rentrez chez vous, je dis ça je ne dis rien, vous faites ce que vous voulez après tout. En tout cas, voilà pourquoi le modèle Y s’appelle Y, qui est simplement un modèle X avec des portières normales, CQFD. Respiration !

Véritable révolution ou effet de mode, l’avenir nous le dira. La voiture électrique n’émet pas de GES mais il faut regarder la chaîne de production dans son ensemble, alors on constate que le processus de fabrication n’a rien d’écologique. Sauf quand on produira massivement de l’électricité verte et que les batteries se passeront de lithium. On peut néanmoins admettre qu’il s’agit d’un coup de génie industriel et marketing, et un bel hommage à ce vieux fou qu’était Nikola Tesla.