# Monsieur X

Né sous X

12 juillet 2022

Vous est-il arrivé de vous demander si vos parents étaient bien vos véritables parents ? Si par hasard, ceux que vous prenez pour vos parents, ne vous auraient pas en fait adopté. Allez, au moins une fois quand vous étiez ado et que vos parents vous emmerdaient non ? Cela peut aussi être un doute sur votre vrai père, c’est même arrivé à un ami, qui a appris à près de 50 ans que son père n’était pas son vrai père. Ce fut pour lui un vrai choc. Cela arrive plus rarement avec sa mère, convenons-en, à moins que, comme dans La vie est un long fleuve tranquille (1), ce film d’Etienne Chatiliez qu’il faut vraiment avoir vu une fois dans sa vie, qu’elle soit un fleuve tranquille ou un torrent tourbillonnant, une infirmière malveillante n’ait interverti les bébés à la maternité et que vous vous retrouviez avec celui de la famille Groseille alors que vous attendiez un Duquenoy, Jésus reviens, Jééésus reviens, Jésus reviens parmi les tiens.

Annissa Bonnefont a réalisé en 2019 un documentaire (2) intéressant sur ce thème, à propos d’Olivier Rousteing, un jeune homme né sous X en 1985 et adopté par une famille bordelaise, qui a été nommé à l’âge de 24 ans directeur artistique de la maison de haute couture Balmain, battant ainsi le record de jeunesse de Yves Saint-Laurent chez Dior. On y suit Olivier dans la recherche de son dossier d’adoption et surtout de l’identité de ses parents, de sa mère surtout. On comprend alors toute l’importance que cela revêt pour lui, de connaître ses origines, un besoin viscéral de savoir d’où il vient pour savoir où il va, malgré un succès fulgurant dans son domaine, la mode.

L’autre intérêt de ce document est ainsi de plonger avec lui au coeur de ce tourbillon qu’est la haute couture, la mode, le luxe, les shootings, les interviews, les unes de magazine, les fashion weeks à Paris, Milan, Londres, Tokyo, New York, les collections été en hiver et hiver en été, les mannequins d’une beauté hypnotisante, hommes et femmes, surtout quand il y en a trente dans la même pièce, les célébrités, les essayages, les croquis, les couturières, les semaines continues – ça fait du bien de trouver des gens qui bossent le week-end ! dit Olivier, exaspéré, à son équipe – les nuits sans sommeil, les litres de café, les lunettes de soleil jour et nuit façon Lagerfeld, les petits matins à contempler Manhattan depuis un gratte-ciel pendant que derrière les petites mains se tuent sur les finitions avant le début du show, les limousines, les avions, les hélicoptères, les hôtels cinq étoiles, les hôtels particuliers, les jours, les mois et finalement les années qui défilent à la vitesse de la lumière, celle des projecteurs et des flash de téléphones portables, et malgré cette vie bien remplie, trop remplie sans doute, la solitude profonde, vertigineuse, et cette question lancinante, qui suis-je vraiment, d’où est-ce que je viens ? Qui sont mes vrais parents ?

Dans son monde de strass, Olivier est une étoile, mais le monde de la DASS, Monsieur Rousteing est un homme ordinaire qui passe par le standard téléphonique quand il veut joindre les services en charge de son dossier d’adoption. Et lorsque celui-ci est envoyé à Paris pour des recherches plus poussées sur les origines personnelles, célèbre ou pas, chacun doit se conformer à la loi et quand la personne qui a accouché a précisé qu’elle ne voulait pas que l’enfant sache l’identité de ses parents, jamais, aucun moyen légal pour l’administration de dévoiler ce nom tant recherché. Seul espoir, seule possibilité, retrouver ce parent et lui envoyer une lettre demandant si avec le temps, il ou elle accepterait de revenir sur sa position et de rencontrer son enfant.

Quatre ans après ce documentaire extrêmement touchant, Olivier Rousteing n’a toujours pas connaissance de l’identité de sa mère biologique. Il sait néanmoins que celle-ci avait quinze ans au moment de l’accouchement, qu’elle était somalienne et venait d’arriver en France avec son frère et sa soeur. Quinze ans, cette information fit l’effet d’une bombe émotionnelle sur Olivier, lui qui aurait tant aimé être le fruit d’un amour sincère et profond. Un amour qu’il cherche toujours à titre personnel, il s’est même inscrit sur une appli de rencontres pour VIP, qui vérifie la motivation et le profil des aspirants avant de les mettre en ligne, il vaut sans doute mieux d’ailleurs quand on est riche et célébre si on veut éviter les arnacoeurs de tous poils. Mohammed, son chauffeur, lui dit qu’il trouvera quelqu’un le jour où il s’en donnera le temps, que son travail est passionnant certes, mais qu’il doit aussi penser à lui. Olivier lui demande s’il est payé pour être psy en plus d’être chauffeur – oups clashé le chauffeur !

Olivier, mon grand, Mohammed a raison tu sais. Toi le wonder boy, le garçon inattendu, le diamant brut de la haute couture, directeur artistique d’une grande maison à seulement 24 ans, tu te rends compte ? Pourtant, malgré cette réussite hors du commun, on sent chez toi, pratiquement à chaque seconde de ce film, une sensibilité à fleur de peau, une fragilité immense même. J’ignore si tu retrouveras ta mère un jour et si cela répondra aux questions que tu te poses. J’ignore si dans cette folie étoilée qu’est ta vie, tu trouveras l’amour et le bonheur. En tout cas, prends soin de toi.


Sources / Notes

(1) La vie est un long fleuve tranquille, film d’Etienne Chatiliez, 1988.

(2) Wonder boy, Olivier Rousteing, Né sous X, documentaire d’Anissa Bonnefont, disponible sur Netflix, 2019.

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