New JDD

Après 6 semaines de grève et le départ de l’intégralité de la rédaction, le Journal du Dimanche est de retour en kiosque. Le motif de cette désertion ? L’arrivée de Geoffroy Lejeune, ex rédac chef de Valeurs actuelles, aux manettes, parachuté par le milliardaire conservateur et propriétaire du titre, Vincent Bolloré. A VA, les propriétaires du magazine estampillé d’extrême droite lui auraient reproché une ligne trop à droite, c’est cocasse, un caractère trop autoritaire et capricieux et un soutien sans faille à Eric Zemmour, faisant de ce canard wc, son principal relai médiatique dans sa campagne présidentielle de 2022. Et pour cause, Lejeune avait publié en 2015 un roman d’anticipation, Une élection ordinaire – comme quoi ce qui semble ordinaire ne l’est pas toujours, bien au contraire – dans lequel il voyait Eric Zemmour non seulement se porter candidat à l’élection 2017 mais surtout l’emporter dans un contexte de débacle politique générale, tant à gauche, alors au pouvoir, qu’à droite ou au centre. Le candidat Zemmour de 2021 dira d’ailleurs que c’est en partie à cause de, ou grâce à Lejeune, qu’il s’est finalement laissé convaincre d’y aller. Geoffroy Lejeune, le bien nommé puisqu’il a pris le poste de rédacteur en chef de Valeurs actuelles à seulement 27 ans, est tout simplement fasciné par la personnalité d’Eric Zemmour. Dont acte !

Je suis un lecteur occasionnel du JDD, que je trouve pratique quand on ne sait pas quoi lire le dimanche, finalement c’est comme le Port-Salut, c’est écrit dessus. On devrait peut-être créer un journal du lundi, du mardi, etc., ça simplifierait la vie. Après un mois de demi d’absence, j’étais curieux comme plusieurs milliers de lecteurs j’imagine, de découvrir la nouvelle formule du journal, ainsi rejeunie, si je puis dire. Alors à quoi ressemble ce new JDD ? A lire la une, aucun doute sur le virage à droite toute, tchou tchou, de la ligne de chemin de fer éditoriale puisque celle-ci est consacrée aux familles de victimes de crimes sordides, qui clament dans une lettre ouverte qu’elles ne sont pas de simples faits divers. On voit bien le côté puissamment racoleur à aller ainsi chercher des gens dont un proche a été assassiné, violé ou pire, parfois par des personnes d’origine étrangères, parfois même par des migrants sans papier va savoir, et exposer à la une leur douleur et leur colère, somme toute légitimes. Le procédé est écoeurant et je suis navré par ce collectif de parents dont la vie a été détruite qu’ils se laissent récupérer par Lejeune. En plus, ils se sont trompés de photo en Une ces cons ! La photo utilisée est celle d’une marche blanche pour un gamin qui s’est planté en bagnole, contrairement à un homonyme qui a été tué à coup de couteau. Lamentable erreur dès la ligne de départ mais bon poursuivons tout de même la lecture !

« Ruffin, un insoumis chez les cathos », étrange petite pastille consacrée à cet ennemi de la droite, juste à côté de celle consacrée à Gérald Darmanin, dont on annonce la candidature probable, si ce n’est à l’élection présidentielle 2027, au moins aux primaires de ce qui sera son parti le moment venu. Cela continue avec « Le malaise Médine », ce rappeur d’origine maghrébine dont les textes font systématiquement polémique puisqu’il y ait souvent question d’Islam et de djihad. Sur la page de droite, il semblerait que dans ce nouveau journal du dimanche, il n’y ait que des pages de droite, on apprend que Wauquiez est reçu à la table de Macron. Qu’y a-t-il de surprenant à cela, personne n’a jamais dit que notre cher président était de gauche, si ? Pape Ndiaye en prend pour son matricule, un matricule de les policiers du Raid de Marseille, évoqués dans les pages suivantes, assument parfaitement, comme le fait de tirer au flashball sur des manifestants en pleine poitrine ou en pleine tête.

Après la politique, un peu de société avec un article où l’on apprend que les Journées Mondiales de la Jeunesse, ce grand raout de la jeune garde catholique qui a lieu cette année à Lisbonne, se découvrent un nouveau souffle. Tiens donc ! Alors que les églises sont vides de chez vide, que la prêtrise n’a plus la cote, faut dire que la filière n’est pas présente sur Parcours Sup et que passer sa vie à se pignoler sur Youporn, ce n’est pas ce qu’il y a de plus sexy, à part peut-être pour quelques drôles de zèbres qui ne bandent plus et se déclarent asexuels. Heureusement qu’Olivier Giroud, le footballeur bleu bien connu, est là pour les encourager et leur dire qu’ils sont beaux tous ces jeunes cathos à rouler en 4L vers le Portugal, en passant par Saint-Jacques de Compostelle, évidemment. Merci Olivier, perso je préfère quand les footeux se contentent de courir après un ballon, j’apprécie moins quand ils prennent la parole. Chacun son métier non ?

Le billet d’humeur, chic ça c’est mon domaine, de Pascal Prau, ah zut ! Faut dire que le journaliste de vedette d’Europe 1 et CNews, autre employé modèle et zélé de Bolloré, n’a pas sa langue dans sa poche et sa ligne éditoriale et personnelle sont assez proches de celle du jeune Lejeune, à qui il adresse tous ses encouragements. Selon Prau, pour la gauche bobo écolo, dont je fais un peu partie bien que je n’aime pas les étiquettes collantes, tout ce qui est à droite de Mélanchon est considéré comme l’extrême droite. Voilà la caricature que nous vend quotidiennement Pascal Prau, le chantre des médias sensasionnalistes. Il condamne le deux poids deux mesures, s’étonnant que l’on ne dise rien lorsque Nicolas Demorand, qu’il positionne à gauche, si ce n’est à l’extrême gauche car pour lui l’extrême gauche commence à la gauche de Zemmour, arrive à la matinale de France Inter. Cette comparaison n’a aucun sens à mon sens car Nicolas Demorand se contente de présenter le journal du matin, en duo avec Léa Salamé. En aucun cas, il oriente l’information et il se doit même lorsqu’il choisit ses invités de couvrir tous les horizons politiques, qu’il partage ou non leur point de vue. Et France Inter n’appuie pas en permanence là où ça fait mal, par exemple sur les crimes et les familles de victime. Voilà une différence fondamentale entre le service public et l’info façon Bolloré and co.

Après Zemmour et Prau, on retrouve Nolleau, qui souhaite moins de Barbie, et plus de Marie Curie. Peut-être préfère-t-il ce nom lorsqu’il se termine par un Y… Elle est facile, elle est nulle, je la retire immédiatement. Noulleau s’attaque ici au wokisme et au néo-féminisme qu’il juge comme des régressions. La plume est brillante, mais le conservatisme du bonhomme, voir le côté réac le rapproche toujours de Zemmour, pas étonnant que Ruquier en ait fait ses deux limiers d’audience à l’époque d’On n’ est pas couchés. Bon j’arrête là la lecture du JDD, je doute que j’y reviendrai.

En bref, comme on dit dans la presse, quoi de neuf sous le soleil ? Eh bien, que le Journal du Dimanche est devenu le supplément dominical de Valeurs Actuelles, à bon lecteur, salut !

Sources / Références

Le Journal du Dimanche, dimanche 6 août 2023