# Monsieur X

Pana

16 octobre 2024

Est-ce son prénom grec, la Grèce étant devenu depuis quelques années une sorte de pays d’adoption pour moi, en tout cas le pays où je suis le plus allé en dehors du mien, Pana pourrait d’ailleurs être aussi l’abréviation du Panathinaikos, le célèbre club d’Athènes, foot et basket principalement, le club des bourgeois dit-on, face à celui du Port (Olympiakos) et des immigrés (AEK), ou est-ce tout simplement l’audace du gamin quand je l’ai vu pour la première fois vers 2017 animer des micro-trottoirs dans Le Petit Journal de Yann Barthès. Panayotis Pascot avait alors 17 ans, seulement dirons-nous, et l’expression le talent n’attend pas le nombre des années semblait être faite pour lui tant il était clair qu’il avait quelque chose et qu’on entendrait parler de lui à l’avenir. Puis Yann Barthès a quitté Canal+ et exporté son journal sur TMC, Pana a suivi, puis a décidé de quitter le journal pour se lancer dans l’écriture et le cinéma. Moi, j’ai arrêté de regarder Quotidien pour aller voir le 28 minutes d’Elisabeth Quin sur Arte, j’ai vieilli, voilà tout.

J’ai donc perdu de vue Panayotis jusqu’à ce que je recroise le phénomène sur scène dans le cadre de son seul en scène Presque (1), sur Netflix dans le jeu Loup Garou (2) et surtout en librairie avec son récit autobiographique La prochaine fois que tu mordras la poussière (3). La fille qui me l’a vendu à la librairie, à peine plus âgée que l’auteur, m’a dit c’est génial, je l’ai lu trois fois. Et puis il y avait un bandeau sur le bouquin indiquant qu’il s’est vendu à un million d’exemplaires. Un million d’exemplaires !!! Un bouquin destiné à une génération qui ne lit plus. Intéressant. Après, que Pana fasse quelque chose de génial, cela ne m’a pas surpris a priori, c’est quand je l’ai lu que j’ai été surpris. Génial, je ne dirais pas ça, ou alors si, génial l’adjectif dérivé du substantif génie, un génie tourmenté, malheureux, hésitant entre les filles et les garçons, et suicidaire pour bien faire, n’hésitant pas à faire l’équilibriste sur sa rampe de balcon, obligeant ses quatre frères à arrêter de faire ce qu’ils ont à faire pour s’occuper du petit dernier pendant que le père est en train de crever quelque part en campagne d’un cancer. Voilà le tableau les amis, youpiii !!! J’avais laissé un gamin de 17 ans plein d’humour et de bonne humeur et je retrouve un jeune homme qui n’est plus certain qu’il a envie de continuer à vivre, sans qu’on comprenne vraiment pourquoi, à part un rapport au père un peu compliqué.

Faut dire aussi que Panayotis est le dernier des cinq fils, et une fille, de Philippe Pascot, une figure politique d’Ile de France, conseiller municipal à Bondoufle, maire adjoint à Evry avec Manuel Valls, président du Parti Radical de Gauche de l’Essonne, engagé contre la corruption, pour la transparence et pour la démocratie participative, auteur d’essais politiques à succès, Pilleurs d’Etat en 2015 (4), Allez (presque tous) vous faire (5) et comme si cette carrière politique ne suffisait pas, il a aussi été directeur de la Halle du Rock qui a vu émerger une quarantaine de groupes de rock, dont Simarils et Mister Gang, et promoteur de l’Orchestre symphonique kimbanguiste, le premier orchestre noir, en République démocratique du Congo, dont on peut retrouver l’histoire dans le documentaire Kinshasa Symphony. Autant dire que le pédigrée du padre inspire le respect, pas étonnant que le petit dernier ait développé le sens de la répartie et perdu celui de l’orientation. A le lire en fait, on se dit qu’il a peut-être été écrasé par le poids du père, pour qui un homme doit être un homme un vrai, un homme qui ne pleure pas, capable de se rouler dans les orties sans broncher (voir le spectacle Presque pour comprendre). Avec un père comme ça, pas facile d’exister en effet et pas facile d’être pédé, même quand on fait de la télé. Tous des pédés à la télé de toute façon, c’est bien connu.

Panayotis a donc dû consulter d’urgence et a évité l’HP de peu, grâce à la présence de ses frères qui ont assuré au médecin qu’ils allaient le surveiller de près et à des cachetons sans lesquels à la première occasion, il se peut qu’il bascule du balcon. Je suis sorti de ce bouquin triste comme les pierres, désespéré de voir que ce gamin j’adorais, comme des millions de Français, aurait pu s’écraser par terre en venant du sixième. Il ne l’a pas fait car sinon ses parents auraient dû rembourser l’appart qu’il venait de s’acheter, on n’est pas assuré quand on s’est suicidé. Désolé !

Alors forcément, j’attends la suite avec un peu d’appréhension. Je me dis, soit il va se transformer en loup garou et il s’enfuira dans la forêt, soit il va mettre son malêtre au service de son écriture et de son jeu, je sais qu’il a écrit un nouveau spectacle intitulé Entre deux, entre la période où il était un enfant et celle où il en aura un, inch allah, une période de merde apparemment, oupsi. En tout cas, stp fais pas le con Pana, je t’en prie, te jette pas par la fenêtre, tue ton père s’il le faut, de toute façon il va crever apparemment, mais reste avec nous, et fais-nous marrer, pas pleurer putain !


(1) Presque, seul en scène de Panayotis Pascot, 2022, disponible sur Netflix

(2) Le loup garou, série-jeu diffusé sur Netflix, 2024

(3) La prochaine fois que tu mordras la poussière, Panayotis Pascot, ed Stock, 2023

(4) Pilleurs d’Etat, Philippe Pascot, Max Milo Editeur, 2015

(5) Allez (presque tous) vous faire…, Philippe Pascot, Max Milo Editeur, 2017

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