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Second Tour

8 juillet 2024

Ce soir, au lieu de me taper des heures de plateaux, non pas de fruits de mer, ou alors avariés, mais de politiques has been venant commenter des résultats que j’avais prédits il y a trois semaines, désolé de faire le prétentieux mais c’est vrai, quand Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale, à savoir le statu quo, un tiers de RN, un tiers de gauche et un tiers de droite républicaine, macronistes inclus, rendant l’exercice de nommer un gouvernement qui puisse gouverner, c’est à dire tenir le gouvernail de ce paquebot France qui part à la dérive, quasi impossible, j’ai décidé de regarder Second Tour, le film d’Albert Dupontel, que je n’avais pas encore vu, le moment ne s’était pas présenté jusqu’ici, ce soir si, et pour cause.

J’ai déjà exprimé sur ce blog tout l’amour que j’ai pour Albert Dupontel, et ce depuis longtemps, depuis le début en fait, depuis le temps du Sale Spectacle, son premier one man show, un métier qu’il faisait pour bouffer, disait-il. Son vrai objectif, c’était le cinéma. Il s’était fait éjecter de la fac de médecine, lui le fils d’un médecin et d’une dentiste de Conflans-Saint-Honorine, pour être allé davantage au cinéma qu’en cours, le cinéma c’était sa vraie vie, voyez-vous, celle qui l’attendait, la suite de son histoire personnelle nous l’a largement prouvé.

Albert Dupontel n’était pas un humoriste comme les autres quand il était seul en scène, il n’est pas un acteur comme les autres quand il joue et il n’est pas un réalisateur et un metteur en scène comme les autres. On peut avoir l’impression qu’il joue ou fait jouer en permanence les imbéciles, des débiles presque, à dessein car c’est à travers eux qu’il fait passer des messages puissants, sur la société, sur les gens, sur la vie en général, des vérités en forme de claque dans la gueule, faut bien le dire.

Résultat, ces films ne sont pas des films comme les autres et celui-ci, Second Tour, ne déroge pas à la règle. L’histoire d’un candidat à l’élection présidentielle qui a pour objectif de trahir ceux qui l’ont mis là, à savoir le pouvoir économique et financier, en menant une fois désigné par le peuple un programme véritablement écologique et social. Le pitch, s’il s’arrêtait là, serait dores et déjà intéressant, une sorte de révolutionnaire socio-écolo caché dans le corps d’un Macron bis, Sciences Po, ENA, Polytechnique, Harvard etc. mais ce serait mal connaître Dupontel. Se superpose à cela une sorte de thriller baroque, ou loufoque comme vous voulez, ou le candidat a un jumeau caché, un apiculteur au fin fond du Gard et somme toute happy de l’être, jusqu’au jour où on lui amène son frère de candidat qui s’est pris une balle dans la cage thoracique… Bref, un objet cinématographique non identifié dont Dupontel a le secret, avec Nicolas Marié dans le rôle de cameraman abruti, l’acteur s’était déjà merveilleusement illustré dans Adieu les cons !, et Cécile de France dans celui de la journaliste rebelle, que Dupontel avait croisée dans En Equilibre, le film de Denis Dercourt, où il joue un cascadeur équestre à la fois ronchon et séduisant, un film que je vous recommande d’ailleurs si vous voulez vous évadez de l’actualité politique sinistre et ridicule.

L’une des questions utiles que pose Second Tour, et qui nous intéresse tout particulièrement ce soir, est de savoir s’il est possible de mener une politique dont l’objectif serait l’intérêt général, c’est à dire celui du plus grand nombre, et non une politique faite par et pour les intérêts très particuliers de tel ou tel secteur d’activité, tel groupe d’influence, telle entreprise, ou tel lobby. Un candidat qui afficherait un tel programme ne risquerait-il pas de se faire éliminer, soit physiquement, soit électoralement en sortant des tiroirs des dossiers restés planqués jusque-là pour pouvoir être mis sur la place publique au bon moment. Pas besoin que je vous donne des exemples, on a tous les mêmes en tête, ou plus bas.

Mais la question centrale du film, selon moi, est celle-ci : la politique n’est-elle pas au fond un vaste jeu de dupes, pour ne pas dire autre chose, et le Président un simple homme de paille faisant croire qu’il a du pouvoir et des solutions alors qu’il n’a rien du tout dans son jeu. Autrement dit le Président est un as du bluff et la politique n’est qu’un divertissement pour les cons qui y croient encore et qui la regarde à travers leurs écrans pendant que les vraies décisions importantes sont prises ailleurs, loin des caméras, et par des gens qui n’ont pas été élus. Voilà le message que nous transmet Albert Dupontel par la voie, ou la voix, d’un apiculteur du Gard. Et comme le scénariste est aussi un poète, il rêve de voir un jour un cheval de Troie infiltrer le système et le renverser de l’intérieur.

Au vu de l’élection législative qui vient d’avoir lieu, il semble que ce jour n’est pas encore arrivé. On peut cependant se réjouir que le RN n’ait pas fait le ras de marée que certains annonçaient de manière apocalyptique sans toutefois jamais se demander pourquoi ce parti enregistre année après année, décennie après décennie, de plus en plus d’adhésion. Tant que les gens au pouvoir, qu’ils soient dans l’ombre ou dans la lumière, n’apporteront pas de réponses concrètes aux problèmes concrets des autres gens, ce qui n’ont pas le pouvoir, démocratie ou non, eh bien le RN continuera de progresser jusqu’à ce qu’il arrive au pouvoir, c’est inéluctable. Alors je souhaite courage et inspiration à Emmanuel Macron pour trouver une Premier ministre et ensuite un gouvernement qui va accepter de naviguer à vue dans ce merdier que seront les trois prochaines années.

Qu’est-ce qu’on dit au Président les enfants ? On dit merciiiiii


Sources / Références

Second Tour, 2023, Adieu les cons, 2020 et tous les films d’Albert Dupontel. A voir absolument !

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