Tempête
Aurais-je pu ne pas aller voir Tempête, le dernier film de Christophe Duguay ? Impossible ! Trop de raisons personnelles d’y courir. A commencer par le duo d’acteurs, Pio Marmaï, l’ours mal léché à qui j’avais réussi à serrer la pogne à la gare de Caen sans m’en prendre une malgré l’air pour le moins circonspect de l’acteur, et Mélanie Laurent que j’aime d’un amour cinématographique depuis ses tout premiers rôles, mais surtout depuis son incarnation de Chouchana dans le très rock’n roll Inglorious bastards de Tarentino. Ensuite, l’histoire, dans le milieu des chevaux, et plus précisément celui des trotteurs, un univers que je connais bien puisque mon père fut jockey, avant d’être commercial puis commerçant, les chevaux, une passion plus qu’un métier, dévorante, qui nous a menés, moi et mes parents, à fréquenter les hippodromes de campagne et à crier à gorge déployée quand le peloton abordait le dernier virage puis la dernière ligne droite avant la fameuse ligne d’arrivée. Un frisson qui, une fois que vous l’avez connu, ne vous quitte plus jamais. Et lorsque dans le film, il y eut les scènes de courses, une onde d’adrénaline a parcouru ma colonne vertébrale de bas en haut comme au bon vieux temps, je suis certain qu’il en fut de même pour mes parents, qui forcément étaient avec moi pour la projection. Qui dit trot, dit Normandie, où je vis, et région emblématique de ce sport hippique. Et en ce qui concerne les paysages normands, Duguay nous a gâté, faut le dire. Les immenses plages d’Utah Beach, les paysages dunesques du Cotentin côté Carteret, les campagnes verdoyantes. J’ai appris en faisant quelques recherches sur le tournage que le haras se situe lui dans l’Oise. A vrai dire, je m’en doutais un peu, l’architecture ne me rappelait pas celle de nos haras normands, pas assez de colombages, je me suis dit.
A la lecture du pitch, j’étais un peu inquiet néanmoins. L’histoire d’une gamine qui se fait bousculer par un cheval et qui se retrouve paraplégique, tiens tiens, ça me rappelle quelque chose ? S’agit-il d’un clin d’œil un peu trop appuyé à L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, de Robert Redford ? D’autant que le scénariste a cru bon d’en rajouter une couche en intégrant le personnage d’un jeune autiste, qui justement a le don de murmurer à l’oreille des chevaux un peu nerveux. Cela faisait beaucoup pour un hommage, ça frisait le remake non-avoué. Je n’étais donc pas serein, bien que j’avais en effet toutes les raisons d’y aller de bon cœur.
Et j’ai carrément bien fait, car Duguay a su nous emporter dans son histoire « à la Redford ». J’avoue même avoir eu des difficultés à réprimer quelques larmes – faut dire que je suis un vrai cœur d’artichaut au cinoche – lorsque la gamine se retrouve dans un fauteuil après son accident, où lorsque, quelques années plus tard, elle remporte le Cornulier, le plus prestigieux des prix de trot monté, malgré son handicap et sous la neige en plus de ça mon gars ! Bon, dans la vraie vie, jamais on ne pourrait remplacer un jockey par un autre sans que les autres ou les commissaires de course ne s’en aperçoivent. Mais on pardonne tout au cinéma quand il nous provoque ces émotions-là. Car c’est bien d’émotion pure dont on parle dès qu’il est question de ces animaux fantastiques, JK Rowling n’a pas le monopole, que sont les chevaux. Pio Marmaï a d’ailleurs confié avoir eu des sensations incroyables, assis à son sulky, menant son cheval pleine balle, lors des scènes de courses. Il ajoutera avoir croisé le regard du réal, assis lui sur la selle arrière d’un quad, et y lire la même émotion de dingo. Pour connaître cet univers de l’intérieur, comme je le précisais en préambule, je compare souvent les jockeys à des pilotes de Formule 1 ou de Rallye. Ces gars prennent une telle dose d’adrénaline dans les veines quand ils courent qu’on ne sait plus bien s’il faut les appeler des jockeys ou des junkies.
Mais la vie dans le monde des chevaux n’est pas faite que de victoires et de bouteilles de champagne que l’on secoue pour arroser les copains. Parfois, il faut reboucher le pétillant comme les Italiens en finale de l’Euro 2000. Lorsque les affaires ne sont pas bonnes, que les chevaux ne gagnent plus ou se blessent, il faut parfois se séparer de certains d’entre eux, qui auront peut-être la chance de connaître un destin plus heureux ailleurs, pas le choix, sinon ils finiront à la boucherie, ainsi va la vie des équidés sous nos latitudes capitalistes, c’est gagne ou crève ! Et dans le pire des cas, faut vendre le haras avec les chevaux et repartir à la case départ. Car tout ça coûte un fric fou, dans les chevaux on dit même que pour devenir millionnaire, faut démarrer milliardaire. Point de conte de fée donc ici, ça aussi Duguay le montre bien.
Mais après la tempête, vient les beaux jours dit-on aussi. La chance finit toujours par sourire à ceux qui ne lâchent rien, mettent tout leur cœur à l’ouvrage et croient en leur rêve, malgré les coups de poing du destin. C’est beau le cinéma n’est-ce pas ?
Références / Sources :
Tempête, film de Christophe Duguay, 2023
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