# CinémiX

We have a dream

30 septembre 2023

Lorsque le 28 août 1963, Martin Luther King monte à la tribune pour prononcer l’un des discours les plus connus de l’histoire contemporaine, il fait alors un rêve, le rêve de voir un jour les hommes traités de manière égale en Amérique. Ce rêve, il ne le verra pas se réaliser, un parce qu’il a été assassiné cinq ans plus tard et deux parce que soixante ans plus tard, on ne peut toujours pas dire, bien que des progrès ont été accomplis et du chemin parcouru depuis la ségrégation des années 60, que noirs et blancs sont sur un pied d’égalité dans cette vieille Amérique qui élira l’année prochaine un nouveau président qui n’aura rien de nouveau puisqu’il faudra choisir entre le blanc Joe Biden et le très blanc Donald Trump. Rien de nouveau donc sous le soleil au pays de l’oncle Sam.

Dans We have a dream, le documentaire de Pascal Plisson (1), il n’est pas question d’égalité entre noirs et blancs, encore que, il est question de d’égalité des chances pour les enfants handicapés, de leur intégration dans la société comme n’importe qui, et cette question se pose évidemment partout dans le monde.

Le documentaire débute avec Maud et Romy, deux jumelles de 14 ans qui sont nées prématurées, l’une avec un excès de sang, l’autre avec une jambe atrophiée qu’il a fallu amputer quelques mois après. Encore quelques mois après, le diagnostic tombe. L’enfant est également sourde. Heureusement, la science a fait des progrès incroyables, elle a une prothèse de jambe conçue par des ingénieurs de haut niveau pour s’adapter à toutes les situations, tous les terrains, et un appareil auditif relié à des sondes qui stimulent son organe endormi. Maud a aujourd’hui 14 ans, elle pratique la danse classique et le violoncelle, elle bénéficie de toute l’attention de ses parents, de sa soeur jumelle et de son frère ainé. Elle a toujours été à l’école, pas une école pour handicapés, une école normale quoi, ce qui l’a beaucoup aidée. Quand elle se retourne sur sa vie, elle se dit heureuse, telle quelle, et se demande si tous les enfants dans le monde qui ont un handicap ont la même chance qu’elle.

Plisson nous emmène alors en voyage à la rencontre d’autres enfants souffrant de différents types de handicap. Charles a 11 ans, il est aveugle de naissance et vit au Kenya. Il est interne dans un établissement accueillant uniquement des enfants aveugles par centaines. Il a une passion pour la course à pied et s’entraîne tous les jours pour devenir un athlète. Un jour, il a la chance de rencontrer un champion olympique du 5000 mètres, kenyan lui aussi, il réalise alors qu’il peut rêver, rêver de devenir lui aussi un coureur de légende.

Xavier a 11 ans également, il est albinos. Au Rwanda où il vit avec sa mère et ses deux frères et soeurs, comme dans une bonne partie de l’Afrique, les albinos portent malheur, dit-on, c’est pourquoi on les chasse, on leur jette des pierres, on les tue ou on les persécute. Ce n’est pas le cas de Xavier, bien que sa mère s’inquiète tous les jours que Dieu fait qu’il soit enlevé lorsqu’il se rend à l’école ou en revient. Xavier est un bon élève et il rêve de devenir médecin pour soigner tous les gens, même les personnes âgées et les animaux, dit-il en rigolant. Cherchez le point commun entre les deux, lol. Malheureusement, sa mère, qui ne dispose que d’une seule pièce en terre pour élever sa famille, ne peut se payer l’électricité et dès que l’obscurité tombe sur la maison, plus de lumière. Le feu réchauffe les gamelles mais il n’est pas suffisant pour éclairer la pièce et permettre à Xavier de faire ses devoirs. D’autant que Xavier a une vue fragile. Le directeur de son école, touché par ses difficultés, parvient à acheter un panneau solaire qui sera installé sur le toit. Il y aura désormais de la lumière chez Xavier et l’espoir, le rêve, de devenir médecin, peut se rallumer.

Nirmala et Khendo sont népalaises. Dans le grand tremblement de terre qui a frappé leur pays il y a quelques années, elles ont perdu une jambe, la gauche pour Kendho, la droite pour Nirmala. Après avoir beaucoup pleuré chacune de leur côté, elles se sont rencontrées au moment de devoir se faire appareiller. C’était il y a huit ans. Depuis, elles ne se quittent plus au point de songer à prendre le même mari, raconte l’une d’entre-elle en éclatant de rire. Des âmes soeurs, des compagnes d’infortunes, peu importe le nom que l’on donne à leur complicité, celle-ci leur a permis de survivre à ce traumatisme et d’avancer dans la vie avec enthousiasme et confiance. Elles ont même monté un spectacle de danse avec Reema, elle aussi amputée d’une jambe, ce qui ne l’empêche pas de danser avec grâce et de publier les vidéos de ses performances sur Youtube.

Antonio, enfin, est un grand prématuré abandonné à la naissance par sa mère à Santiago au Brésil et adopté par un couple qui ne pouvait pas avoir d’enfant, elle danseuse également, lui paraplégique suite à un accident de voiture. Le cerveau d’Antonio n’a pas eu le temps de terminer son développement, il souffre par conséquent de troubles du spectre autistique. Ses parents adoptifs sont convaincus qu’il fera beaucoup plus de progrès s’il est intégré dans une école « normale » avec des enfants « normaux », plutôt que de se retrouver uniquement entouré d’autres enfants autistes. Ce n’est pas aussi simple qu’il paraît ou que les parents se l’imaginent. Au Brésil comme ailleurs, il y a certaines difficultés qu’il est pratiquement impossible de surmonter. Le gamin rêve de devenir pompier. Qui sait s’il y parviendra, ce que l’on peut dire néanmoins, c’est que ses parents feront tout ce qu’ils peuvent pour que ce rêve devienne une réalité.

L’intérêt de ce genre de reportage très touchant pour des gens comme moi, parents d’enfants du même âge, n’est pas de s’émouvoir bêtement. Il est surtout de de réaliser la chance que l’on a, quand on l’a, d’avoir des enfants en bonne santé. Et si ce n’est pas le cas, quand votre enfant est victime d’un accident ou d’une maladie, que la vie continue, qu’il y a de l’espoir et des rêves à réaliser.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”(2).

Martin Luther King

Références / Notes

(1) We have a dream, documentaire de Philippe Plission, 2023

(2) I have a dream, discours de Martin Luther King, 1963

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