Oncle A
Je suis un enfant de la télé, comme dirait le présentateur Arthur. Je n’ai pas connu le temps de l’ORTF, Office de Radiodiffusion-Télévision Française avec ses émissions en noir et blanc, ses speakerines et ses grandes figures telles que Pierre Sabbagh, présentateur lui aussi, mais du tout premier journal télévisé (1949), sa chaîne unique jusqu’en 1958, non je n’ai pas connu cette époque qui ressemble à la pré-histoire de la télé. Dire qu’aujourd’hui on a Netflix et autres plateformes, sur mobile, tablette, ordi et télévision quand même, histoire de ne pas tuer l’ancêtre, des milliers de programmes, séries, documentaires, films, dessins animés, dans plusieurs langues et pratiquement dans le monde entier, en même temps, d’un simple clic – quelle évolution en un demi-siècle !
Perso, j’ai grandi dans les années 80 et j’ai été biberonné aux programmes jeunesses d’Antenne 2, Dorothée était comme une deuxième mère pour moi et le club Do une seconde famille avec Jacky, Ariane, sans oublier Cabu – paix à ton âme l’artiste ! J’ai assisté à la naissance de trois nouvelles chaînes : Canal+, la 5 et M6, trois OTNI, objets télé pas très bien identifiés et parmi ce grand bazar médiatique, une émission en particulier est devenue un immanquable quotidien puis culte : Nulle Part ailleurs ! Car nulle part ailleurs en effet, on trouvait un présentateur aussi petit, à part à la radio dans Les Grosses Têtes, et avec d’aussi grandes oreilles, des marionnettes moins grotesques que celles du Bébête show et beaucoup mieux inspirées, et des chroniqueurs aussi farfelus et doux dingues que José Garcia et Antoine de Caunes.
Alors quand au hasard de mes déambulations, je suis tombé sur un bouquin (1) avec la trogne d’Antoine sur la couverture sur laquelle était écrit « Perso », je n’ai pas pu résisté. Et j’ai bien fait car en bon enfant de la télé lui-même, et quand je dis enfant de la télé, c’est à prendre au premier degré car avec une mère (Jacqueline Joubert) d’abord speakerine puis directrice des programmes jeunesse d’Antenne 2, à l’origine du club Dorothée, donc ma grand-mère spirituelle en quelque sorte, ce qui fait d’Antoine, maintenant que j’y pense une sorte d’oncle, et de l’autre un père (Georges de Caunes) journaliste globe-trotteur un peu barré, suffisamment en tout cas pour se faire abandonner sur une île déserte pendant six mois avec juste de quoi animer des émissions de radio (Tom Hanks et son film Seul au monde passerait presque pour un amateur à côté) ou encore aller vivre avec des singes dans un zoo pour comprendre et ressentir la vie en cage. Avec de tels parents, il aurait été surprenant qu’Antoine devienne huissier de justice, non cet homme était là pour être aimé, lui. Et c’est le cas, j’avoue, car j’adore mon oncle Antoine, tout comme ma cousine Emma, née la même année que moi, en 1976.
Quel pédigrée en effet et aussi quelle vie rock’n roll, quelle aventure que celle de cet oncle d’Amérique made in Paris ! Que ce soit ses vieilles émissions de télé telles que Chorus, Houba Houba, Rapido ou Eurotrash avec Jean-Paul Gaultier, ses plus récentes comme La Gaule d’Antoine ou Popopop sur France Inter tous les jours, ses génériques de dessins animés véritablement iconiques pour tous les enfants des années 80 comme moi (X-Or, l’Empire des cinq, clémentine, Cobra…), ses pérégrinations aux Etats-Unis pour l’émission de radio Marlboro Music ou celles dans les grandes capitales mondiales (Allons donc à London, En berline à Berlin, Toqué à Tokyo…), ses personnages dans Nulle Part Ailleurs (Didier l’embrouille, Ouin-Ouin, Languedepute, Gilles Gros-Paquet, Raoul Bitembois, on sent bien l’influence de son père spirituel Frédéric Dard), ses cérémonies des Césars, les plus drôles sans aucun doute, ses films : Les Morsures de l’aube, Monsieur N., Désaccord parfait, soit l’accord parfait de Charlotte Rampling et de Jean Rochefort, Coluche, l’histoire d’un mec, etc. etc. etc.
L’histoire de ce mec-là, Antoine de C., il faut un peu de souffle pour la raconter, le même genre de souffle qu’il lui faut pour vaincre le Ventoux. Mon fils me demandait il n’y a pas longtemps, quel métier il faut faire dans la vie ? Vaste question, je lui réponds, mais fondamentale évidemment. Moi à ton âge, je voulais être Nicolas Hulot, pas pour draguer les nanas comme un gros lourd, mais plutôt pour parcourir le monde à la découverte de tout ce qu’il a de plus beau. Aujourd’hui, j’aurais envie de lui répondre, qu’importe ce que tu fais, essaie simplement de le vivre aussi passionnément que ton grand-oncle Antoine.
(1) Perso, Antoine de Caunes, éditions Sonatine, 2022
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