Baskette
Le basket-ball a été ma première histoire d’amour. C’est arrivé comme ça, par surprise, sans prévenir, love at first sight ! Mes parents m’avaient inscrits à tous types de sport, équitation, judo, ping-pong, football… mais je n’avais jamais franchi le cap de la première année. Au foot, ce fut plus bref encore puisque l’entraîneur eut la bonne idée de me faire commencer aux buts, gardien que j’étais censé être par conséquent, un endroit stratégique où j’eus le plaisir au cours d’une seule séance de me prendre un ballon dans le pif, de me retourner les doigts, de me faire marcher dessus avec des crampons et de m’étaler dans la boue comme une crêpe, un seul entraînement, le premier et le dernier. Mes parents ont fini par abandonner l’idée de me faire faire du sport.
Jusqu’à ce jour de septembre 1983, c’était un jeudi, où un jeune entraîneur de basket-ball était venu nous faire une initiation à l’école. Ce fut une sorte de révélation, un coup de foudre. Le soir même, je me suis rendu à mon premier entraînement d’un jeu qui se joue avec deux paniers et une balle orange, j’allais y retourner plusieurs fois par semaine, jouer des matchs le samedi, parfois des tournois le dimanche, et ce pendant plus de 20 ans.
En vingt ans, j’ai connu de grandes joies, des matchs et des championnats gagnés, parfois à la dernière minute, sur un tir à trois points sorti du diable vauvert, des sélections en équipe régionale ou en centre de formation du grand club du coin, des concours de tirs remportés face aux meilleurs joueurs de la région… beaucoup de satisfactions donc, mais pas que ! J’ai aussi connu les défaites, le banc qu’on cire en regardant ses copains jouer, les blessures, pas beaucoup cela dit. J’ai rencontré de super coachs, ceux qui prennent de la hauteur sur le jeu, avec philosophie, et qui te demandent, pourquoi tu n’oses pas plus ? Et toi, tu réponds que tu n’as pas envie de rater. Et le coach te répond, en te regardant droit dans les yeux, mais l’entrainement c’est fait pour rater justement, rater encore et encore, pour que le jour du match tu réussisses. Ose petit ! Ne reste pas les deux pieds dans la même basket morveux. Je n’oublie pas non plus les mauvais, ceux qui ne pensent qu’à la victoire immédiate, ne font jouer que les meilleurs joueurs de leur effectif et laissent les autres sur le banc, en oubliant que ce ne sont que des gosses putain ! et qu’ils sont là pour s’amuser avant tout, pas pour gagner le championnat de NBA. C’est à cause d’un entraineur comme ça que j’ai fini par arrêter. J’avais une vingtaine d’années et j’avais commencé à travailler, un vrai boulot payé, la vie active comme on dit. Alors pas évident de concilier ce nouveau rythme pro avec des entraînements la semaine et des matchs le week-end. J’en fis part à l’entraîneur, lui proposant de me mettre en retrait au niveau des matchs. Puis lors d’un déplacement à près de deux heures de là, il me demande de venir pour renforcer l’équipe. J’acceptai en le prévenant que je n’allai pas aussi loin, un déplacement comme ça prenait pratiquement la journée entière, pour faire banquette. Deal ! qu’il me dit. Résultat, il ne me fait rentrer qu’à la dernière minute du match. Je récupère alors le ballon, met un gros coup de pied dedans et le coince dans le plafond du gymnase, tant mieux tiens ! L’arbitre furieux me siffle dessus, m’exclut, l’entraîneur s’époumone, moi je mets mon index sur la bouche pour lui faire comprendre qu’un mot de plus et je lui en colle une. Ce sera mon dernier match de basket-ball, une fin de carrière pas très glorieuse j’en conviens, pas un exemple de maîtrise de soi, pas à montrer aux enfants dans les écoles de basket en tout cas mais moi j’en rigole encore.
Vingt ans après, il faut croire que mon horloge basketologique est calée sur des cycles de vingt ans, vingt ans de basket, vingt ans sans basket, on me propose d’entraîner une équipe de gamins de 12 ans, l’équipe 3 de sa catégorie par contre, faudrait pas s’enflammer non plus. Premier entraînement, je constate qu’il manque la moitié des joueurs qui sont inscrits sur ma liste. J’en fais part au responsable sportif du club qui me dit que c’est normal, qu’ils vont arriver au fur et à mesure. Etonnant je me dis, à mon époque, nous étions tous au rendez-vous dès le premier entraînement, pressés de reprendre. Trois semaines plus tard, même topo, toujours la moitié de mon effectif seulement, six joueurs, dont un enfant souffrant de troubles autistiques, un peu juste pour jouer un championnat entier, même un seul match entier c’est short. J’en parle de nouveau au-dessus de moi et on continue de botter en touche. Quant à B, l’enfant souffrant de troubles autistiques, on me souhaite bon courage avec lui car il est un peu difficile à gérer et ses parents sont « bien relou », ajoute-t-on. Ok je vois, je crois que nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes eux et moi, et je commence à comprendre pourquoi, avec un tel état d’esprit, la moitié des enfants de l’équipe ne sont pas revenus cette année. Cette fois, je ne demande pas l’avis de ma hiérarchie sportive, je leur file ma dem’ et leur conseille de faire monter ce qui reste de l’équipe 3 en équipe 2, au moins ils pourront se frotter à des joueurs un peu plus costauds et constituer un vrai groupe. Sur ce je vous dis bien le bon soir chers amis ou plutôt, adieu les cons ! Une fois encore, je claquais les portes de ce sport que j’avais tant aimé. Contrairement à vingt ans en arrière, j’en étais contrarié, assez triste même, surtout pour les mômes que j’avais abandonnés. J’avais joué dans ce club et ce n’est pas le souvenir que j’en avais. Entre temps, il avait fait faillite niveau pro et avait dû se reconstruire mais bon, ce n’était pas une raison pour s’occuper aussi mal de la partie amateurs. Etait-ce un effet collatéral de plus du Covid, je l’ignore. Je repartais perplexe, mon ballon orange en bandoulière, j’avais bien besoin de good vibes, de bonnes vibrations en français.
Celles-ci me sont venues peu après en lisant le JDD qui consacrait un article à Anaia Hoard, qui non seulement excelle niveau basket puisqu’elle fait partie des meilleures joueuses françaises de sa génération, faut dire qu’elle a de qui tenir puisque ses parents étaient eux-mêmes joueurs professionnels et son frère joue en NBA, un sacré pédigrée donc, mais son talent ne s’arrête pas là puisqu’elle peint, au fusain le plus souvent, des portraits noir et blanc renversants de réalisme, à tel point qu’il faut s’approcher de très près pour voir qu’il ne s’agit pas d’une photo et qu’ainsi elle a attiré l’attention des responsables du championnat américain qui lui ont commandé plusieurs toiles. Sportive de haut niveau, artiste accomplie et inspirée, Anaia dégage surtout une énergie super positive qui illumine ce sport que j’aime depuis près de quarante ans maintenant, deux fois vingt ans.
Références / Notes
(1) De l’art et du rebond, portrait de Anaia Hoard, JDD du 9 oct 2022.
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