# PhilosophiX

Hiroshima mon amour

6 août 2022

On apprend aux enfants qu’il y a d’un côté les gentils et de l’autre les méchants . Généralement, c’est nous les gentils, nous les blancs, les cowboys, les gendarmes, les Français, les Américains et eux les méchants, les noirs, les Indiens, les voleurs, les Allemands, les Japonais… La réalité serait plutôt d’un côté les méchants, de l’autre les méchants également, tous pareils au fond, tous capables des mêmes horreurs, tel est le point commun de tous les être humains, quel que soit leur camps et la couleur de leur uniforme. En 1886, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche – faut s’accrocher pour ne pas faire de faute à son nom et le prononcer correctement – publiait Par-delà le bien et le mal. Prélude d’une philosophie de l’avenir (1). Il ne croyait pas si bien écrire car le XXème siècle qui devait suivre multiplia les illustrations et les atrocités.

Il y a 77 ans aujourd’hui, les Américains lâchaient la première bombe atomique de l’Histoire sur la ville d’Hiroshima au Japon. En cherchant des informations sur cet évènement, je suis tombé sur une page Wikipedia intitulée Crimes de guerre des Alliés, pendant la Seconde Guerre Mondiale (2). Ce travail d’historien est extrêmement intéressant car ce genre d’informations est rarement mis en avant dans les livres d’Histoire de nos enfants, il ne s’agirait pas de leur embrouiller les neurones en les laissant imaginer ne serait-ce qu’une seconde que les gentils pourraient aussi être des méchants.

Il est bien précisé en préambule par l’encyclopédie libre que « Un crime de guerre ne peut être commis que par un militaire en période de guerre et dans le cadre d’opérations de guerre. Le même crime commis par des civils, ou par des militaires en dehors d’une situation de guerre, est qualifié de crime terroriste, voire de crime de droit commun. La victime d’un crime de guerre peut être soit un civil, soit un militaire désarmé qui s’est rendu et bénéficie de ce fait du statut de prisonnier de guerre. » Le texte qui fait foi en la matière, c’est la Convention de Genève (3).

L’article déroule ensuite de nombreux exemples de crimes de guerre commis par les Alliés, continent par continent, pays par pays, un travail précis et documenté. Pas un pays ne manque à l’appel. Nous concernant par exemple, nous les Français, la section qui nous est consacrée démarre par le massacre d’Abbeville : « Le massacre d’Abbeville survenu le 20 mai 1940 est une exécution sommaire perpétrée par des soldats français. 21 civils parmi les 79 arrêtés administrativement par le gouvernement belge et livrés dans la débâcle aux autorités françaises sont fusillés sans jugement. Mis sous pression par l’avancée allemande, le commandant de la compagnie qui a la charge des prisonniers, Marcel Dingeon donne l’ordre à René Caron et Émile Molet de les « bousiller » tous. Le lieutenant Leclabart met fin au massacre en demandant l’ordre écrit d’exécution, que personne ne peut produire. René Caron et Émile Molet sont jugés par les Allemands. Ils sont tous deux fusillés au Mont Valérien en avril 42 (Marcel Dingeon s’était donné la mort en 1941) ». Suivent des dizaines d’exactions, massacres, exécutions, vengeances et tous les vocables de l’abomination que l’on peut donc regrouper sous celui de « crimes de guerre ».

Le nombre de victimes importe peu dans la caractérisation de l’acte en lui-même, qui sauve un enfant sauve l’humanité toute entière dit-on, qui tue un seul enfant commet un crime contre l’humanité. Que dire de celui qui en tue dix mille d’un coup ? Car la palme du crime de guerre, appelé aussi le napalm d’or, revient sans aucun doute aux Américains avec le bombardement de Hiroshima le 6 août et Nagasaki le 9 août 1945, la première à l’uranium, la seconde au plutonium. Les Américains n’avaient pas besoin de ça pour faire tomber les Japonais. La marine japonaise avait été coulée, l’île était encerclée, les civils étaient affamés, la Russie progressait en Mandchourie, d’ici quelques semaines tout au plus, l’empereur Hirohito n’aurait eu d’autre choix que de capituler. Alors pourquoi ? Pourquoi bombarder des civils ? Des femmes, des enfants principalement. Eh bien pour tester ! Et dissuader en montrant c’est qui qu’a la plus grosse… bombe !

Tester. Hiroshima et Nagazaki ont en fait été considérées par les Américains comme des laboratoires à ciel ouvert pour tester les bombes nucléaires qu’ils avaient mis des années à développer. Quelle meilleure occasion de voir en vraie les effets de la bombe A sur un territoire et sur ses habitants. Et ils ont vu. En quelques secondes, Hiroshima a été rayée de la carte, réduite en cendres, cramée, soufflée et ses habitants carbonisés. Pas tous, il y eut tout de même des survivants, des survivants traités comme des cobayes par les vainqueurs qui se sont empressés de construire des centres de recherche non loin de la ville irradiée. Examinés, observés, analysés, disséqués, ces hibakusha, c’est le nom que les Japonais ont donné aux survivants de l’explosion, mais pas soignés. Est-ce qu’on soigne les rats ?

Dissuader. Il s’agissait aussi pour les Américains de montrer aux Russes leur puissance de frappe, on peut de ce fait considérer que Hiroshima et Nagazaki sont les premiers actes de la Guerre Froide qui suivit entre les Etats-Unis et l’URSS. Des Soviétiques qui auraient à coeur de faire la démonstration qu’ils savaient eux aussi bien faire le mal en envoyant des dizaines de millions de leur compatriotes crever au goulag.

Voire l’Histoire sous cet angle, l’observer par-delà le bien et le mal, comme l’écrivait Nietzsche, c’est se faire sa propre opinion et c’est capital. Mon opinion à moi, simple fourmi – on doit apparemment à Victor Hugo cette formule laconique mais efficace : quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent – c’est qu’il existe une morale à cette Histoire. Le bien et le mal existent bel et bien mais ils ne sont pas forcément là où on nous dit qu’ils sont. Méfions-nous des apparences, toujours.


Sources / Notes

(1) Par-delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche, 1886

(2) Page Wikipedia : Crimes de guerre des alliés :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Crimes_de_guerre_des_Alli%C3%A9s

(3) Les conventions de Genève sont des traités internationaux fondamentaux dans le domaine du droit international humanitaire. Elles dictent les règles de conduite à adopter en période de conflits armés, et notamment la protection des civils, des membres de l’aide humanitaire, des blessés ou encore, des prisonniers de guerre.

La première convention de Genève date de 1864. Cependant, les textes en vigueur aujourd’hui ont été écrits après la Seconde Guerre mondiale. Sept textes ont cours actuellement : les quatre conventions de Genève du 12 août 1949, les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 et le troisième protocole additionnel de 2005. Les quatre conventions de Genève ont été mondialement ratifiées, ce qui signifie que chacun des États du monde s’engage à les respecter. Source : Wikipedia

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