# PolitiX

La France présidente

30 mars 2023

La transition est difficile, hard en anglais, passer du porno à la politique sans préliminaires ni préservatif, pas facile en effet. Les deux premières lettres sont pourtant identiques mais quel rapport y a-t-il entre les deux ? Ceci dit, à y regarder de près, la politique n’est-elle pas une forme de pornographie ? Une mise à nue devant les caméras, les médias, les citoyens, les réseaux sociaux de ceux qui se présentent pour être élus, ou mieux encore, l’Elu.e avec un grand e au début et un petit e à la fin, car la fonction n’est pas dévolue aux seuls hommes, ne sont-ils, ou elles, pas en quelque sorte des stars du porno qui jouent à qui a la plus grosse ? Sexus Policitus, l’essai de Deloire et Dubois (1), nous enseigne par ailleurs, témoignages et entretiens à l’appui, que les politiques ont tendance à avoir une libido plus développée que la moyenne, sans doute une question d’ego sur-dimensionné, encore une fois. Mais laissons là la comparaison si vous le voulez bien.

En fait, j’écris ce billet aujourd’hui précisément car il y a un an, nous étions en pleine campagne présidentielle et j’avais tenté de mettre en avant à travers un texte que j’avais titré Nous, Président un certain nombre d’idées citoyennes issues de la plateforme participative Citizn.org. Et puis Emmanuel Macron a gagné et s’est assis sur son trône, son peuple et sur la démocratie. J’ai alors décidé de partir sur une deuxième saison de Citizen X consacré en grande partie à l’univers féminin, qui s’achève avec une chronique miroir en forme d’anaphore. Ce qui est cocasse, c’est que la seule femme à s’être approchée du pouvoir suprême, ici en France, en dehors de Marine Le Pen, c’est Ségolène Royal en 2007 avec 47% des suffrages au second tour, c’est à dire l’ex-compagne et la mère des quatre enfants de celui à qui nous devons l’utilisation de cette figure de style dans le cadre d’une élection présidentielle, à savoir le Président François 3ème (après François 1er et François Mitterrand), également connu sous le patronyme de Hollande. L’histoire est parfois surprenante n’est-ce pas et parfois aussi l’histoire se répète sans que personne n’y fasse attention, parce que les gens ont la mémoire courte.

En fouillant dans mes archives, je suis tombé sur les « cahiers d’espérance » de Ségolène Royal, alors candidate de feu le Parti Socialiste. Sa lecture m’a étonnamment rappelé le Grand débat national, la botte de Nevers du Président Emmanuel 1er pour sortir du bourbier dans lequel il s’était mis avec les Gilets Jaunes, une chienlit, comme disait De Gaule, qui ressemble à s’y méprendre à celle que nous vivons de nouveau, quatre ans après, avec les retraites, bis repetita je vous disais. Pour bien vous faire mesurer le fait que les mêmes idées reviennent régulièrement dans notre vie politique et que malgré cela, nous en sommes toujours au même point, au point mort, je voudrais partager avec vous l’introduction de ces fameux cahiers d’espérance, document central de la campagne Désir d’avenir. C’était en 2007, c’était hier, c’est toujours d’actualité aujourd’hui et quelque chose me dit que cela le sera encore demain. Cliquez ici pour lire ce document.

Les propositions étaient construites autour de quatre axes : premièrement l’éducation, la formation, les qualifications, l’accès à l’emploi et la lutte contre les discriminations; deuxièmement la lutte contre toutes les formes de violences et d’insécurité; troisièmement la vie chère, le pouvoir d’achat, les petites retraites, le dialogue social et l’efficacité économique; et enfin l’environnement et le co-développement. Vous le constatez pas vous-même, rien de nouveau sous le soleil ! Les préoccupations du milieu des années 2000 sont les mêmes que celles d’aujourd’hui, 20 ans plus tard, 20 ans d’immobilisme politique, si ce n’est de régression.

La question qui me taraude, vous me voyez certainement venir, c’est de savoir si situation serait la même si Ségolène Royal avait été élue en 2007 à la place de Nicolas Sarkozy. L’exercice du pouvoir au féminin aurait-elle changé quelque chose ? En toute franchise, je n’ai aucune idée préconçue sur le sujet, à l’inverse je fais plutôt partie de ces sceptiques qui pensent que ce n’est pas parce que Obama a été élu Président des Etats-Unis deux fois que cela allait mécaniquement améliorer la vie des noirs en particulier, ou des Américains en général. L’expérience a d’ailleurs montré que cela n’a rien changé du tout, qu’à deux blocks de la Maison Blanche, il y avait toujours autant de junkies et de SDF noirs que huit ans auparavant et finalement deux mandats de Barack ont conduit à un mandat de Trump. Alors quid d’une présidence au féminin en France ?

Difficile de faire autre chose que de la spéculation en réalité. On peut cependant se référer à ce qui s’est passé ailleurs dans le monde, car contrairement à ce qu’on pense au pays du coq gaulois, la France n’est pas au centre de tout, elle est même au centre de rien du tout en fait, il suffit de changer le centre de gravité d’une carte mondiale pour s’en convaincre. Alors quand bien même nous avions élu une femme présidente en 2007 ou que nous décidions de le faire à l’avenir, si toutefois nous conservons encore un désir d’avenir en commun, nous ne serions pas les premiers. On peut citer Margaret Thatcher, tous les pays n’ont pas un régime présidentiel comme le nôtre donc on va considérer que Premier ministre dans une monarchie, c’est à peu près comparable à Président chez nous, il y a aussi bien entendu la chancelière allemande Angela Merkel ou moins connues Tarja Halonen, la président de Finlande, Dilma Roussef au Brésil en 2011, Peron en Argentine en 1974, Vigdís Finnbogadóttir, première femme élue présidente au suffrage universel en Islande (1980) ou encore Corazon Aquino (Philippines), Ellen Johnson Sirleaf (Libéria), Michelle Bachelet (Chili), etc. etc. etc. car finalement des femmes qui président ou ont présidé à la destinée de leur pays, il y en a beaucoup. Certes, ce n’est pas encore arrivé aux Etats-Unis, mais des femmes politiques telles que Kamala Harris ou Alexandria Ocasio-Cortez pourraient bientôt briguer le poste. Je n’évoque pas la Chine ou la Russie car l’horizon semble un peu encombré tant que Xi Xingping et Poutine seront aux manettes. Et que constate-t-on ? L’ère Thatcher a-t-elle été marquante pour la douceur de son pouvoir, sa bienveillance à l’égard des ouvriers, des mineurs ou de tout ce que l’Angleterre comptait à l’époque de Punk ? Non, bien au contraire, l’ère Thatcher est un tournant majeur dans l’histoire du XXème siècle vers plus de libéralisme, plus de profits privés, moins d’Etat, moins de services publics, l’opposé complet de ce qu’on pourrait attendre d’une femme si on devait la caricaturer. Et que dire de Merkel ? Qu’elle a su parfaitement mener la barque de l’Allemagne sans se préoccuper aucunement du reste de ses partenaires européens, et pourtant elle avait grandi en RDA, du côté du mur où l’idéologie communiste a longtemps dominé.

Il faut arrêter de croire en l’homme, ou en la femme, présidentiel.le et providentiel.le. Homme ou femme, ou autre, femme ou homme, ou autre, les difficultés du job sont les mêmes pour tous. Pour avancer, faut composer avec les forces en présence infinies (citoyens, parlementaires, élus locaux, patronat, syndicats, marchés financiers, institutions européennes, partenaires géopolitiques, la liste est tellement longue que je vous en fais grâce), ce qui fait qu’au final c’est toujours le principe de réalité qui l’emporte, on parle alors de real politique, la différence entre le pouvoir théorique et l’exercice du pouvoir en vrai. Alors inutile de venir avec ses utopies et ses désirs d’un avenir radieux et bisounours, femme ou homme, le Président n’est qu’un engrenage parmi d’autres d’un système extrêmement complexe qu’il ou elle ne maîtrise absolument pas. C’est pour cela qu’élire une femme ne changera rien à l’affaire, on le voit encore avec Elisabeth Borne, la Cinquième République est tout simplement à bout de souffle et la démocratie est à réinventer, à réenchanter même, serais-je tenté de dire, comme quoi chasser l’utopie, elle finit toujours par revenir.


(1) Sexus Politicus, Christophe Deloire et Christophe Dubois, Albin Michel, 2006

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