# SociétiX

Mon maillot de bain autrement

22 mai 2022

Pendant que Montpellier se bat pour offrir aux enfants de meilleurs repas dans les cantines scolaires (Lire Ma cantine autrement), celle de Grenoble vient d’autoriser l’usage du burkini dans les piscines municipales. Eric Piolle, le maire de la ville, estime même qu’il s’agit d’un progrès social majeur, puisque cela permet aux jeunes femmes que leur famille oblige à porter ce type de maillot de bain de pouvoir venir se baigner comme n’importe qui. Les bras m’en tombent ! Les femmes afghanes peuvent quant à elles sortir dans la rue si elles portent une burka. Est-ce là aussi une forme de progrès social, ou de concession du régime taliban, car sinon les femmes ne pourraient pas sortir du tout ? Demandons-leur pour voir ce qu’elles en pensent, elles qui ont vécu vingt ans d’espérance, protégées qu’elles étaient par l’occupation du pays par les forces militaires américaines et onusiennes, et qui doivent aujourd’hui se confiner sous une capuche à grillage pour ne pas finir en prison ou six pieds sous terre.

Quel pays la France est-elle devenue pour qu’un maire écologiste considère la possibilité de porter une burka à la piscine comme une forme de progrès social ? On ne sait pas trop s’il s’agit d’une mauvaise blague et s’il faut en rire ou en pleurer. En quoi porter un tel accoutrement, qu’il soit noir, vert ou fushia, peut-être assimilé à un progrès pour notre société en général, et pour les femmes en particulier ? Qu’en penseraient Simone de Beauvoir, Simone Veil, Gisèle Halimi et tant d’autres autres qui se sont battues corps et âmes pour défendre le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes ? Elles doivent se retourner dans leurs tombes oui ! Heureusement, qu’on ne leur impose pas le port d’un boulet au pied, comme on le faisait à certains bagnards, sinon elles auraient quelques difficultés à nager la brasse, ou alors la brasse coulée.

Toute cette histoire de burkini est du pain béni pour les adeptes du Zemmourisme, de la théorie du grand remplacement et du petit rassemblement national. Marine Le Pen n’a d’ailleurs pas manqué, le lendemain sur France Inter, d’appeler cette nouvelle France, la « France burkini. »

Le problème avec le burkini, au delà du retour en arrière symbolique que cela représente, c’est l’amalgame qu’il est facile de faire à partir de cet épiphénomène. Combien de femmes de culture musulmane, et j’insiste sur l’expression « culture musulmane » et non de religion musulmane, car la plupart des femmes de culture musulmane ne sont ni croyantes, ni pratiquantes, portent pas le burkini à la piscine ? Très très peu. Le burkini ne concerne qu’une infime partie des femmes de culture musulmane et c’est donc un problème marginal. Un problème qu’il faut malgré tout régler j’en conviens, soit en l’interdisant, soit en l’autorisant. Si certaines communes réservent des créneaux horaires spécifiques pour ces femmes, ce qui ne doit pas être simple à organiser, la plupart l’interdisent purement et simplement. Et pas pour des raisons politiques, mais plutôt pour une question d’hygiène, de la même manière qu’il est interdit aux garçons de nager avec un caleçon long afin d’éviter qu’ils viennent avec le même calebard que celui avec lequel ils ont traîné toute la journée.

Mais le burkini a une portée symbolique beaucoup plus puissante que le caleçon, non seulement parce qu’il donne une image archaïque de l’islam, sujet déjà sensible en France, mais en plus parce qu’il renvoie la femme au fin fond des âges, celui du patriarcat et de l’obscurantisme.

Dire que M. Piolle a failli être le candidat écologiste à l’élection présidentielle. En le battant à la primaire, Yannick Jadeau nous a donc permis d’échapper à un débat national, qui aurait été aussi délétère qu’inutile, sur la place du burkini dans la France du 21ème siècle. Personnellement, je préfère celui sur la place du bikini dans la France du 20ème siècle, encore qu’à l’époque les polémiques ont dû être tout aussi houleuses et vives. Mais la société a évolué depuis l’introduction du bikini et il est hors de question de retourner en arrière, car n’en déplaise au maire de Grenoble, la possibilité de porter le burkini à la piscine ne constitue en aucun cas un progrès social, ni pour la France, ni pour les femmes concernées. A bon entendeur…

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