Toofball

Au lendemain de la victoire des Bleus face à une équipe d’Angleterre valeureuse, je poursuis ma série LGBT avec le Toofball club de Caen, un club de football pas comme les autres puisque ses membres sont principalement des lesbiennes et des trans. Il y a quelques années encore, jamais on aurait imaginé que ce genre d’association sportive puisse exister, on aurait craint que des gens aillent leur jeter des cailloux aux matchs. Mais les temps ont changé, disons plutôt que les temps sont en train de changer, et aujourd’hui, on a plus peur de dire qui on est.

Le Toofball club de Caen (on appréciera au passage l’humour dans le choix du nom, le palindrome du mot foot qui évoque directement le sexe féminin, c’est assez jouissif en effet) se revendique « queer et féministe » et entend s’attaquer à toutes les formes de discriminations et de violences faites aux femmes, qu’elles soient lesbiennes, trans ou pas, finalement peu importe. Les fondatrices se sont rencontrées à l’occasion de la coupe du monde de football féminin, qui se déroulait en France en 2019 et qui a vu les Etats-Unis couronnés pour la deuxième fois consécutive, une équipe américaine emmenée par Megan Rapinoe, une figure sportive et politique majeure dans la communauté LGBT. Bien que nous n’aimions pas tellement ce concept en France, celui de communauté, car il induit une dérive potentielle vers le communautarisme, il faut reconnaître que la communauté LGBT existe bel et bien et qu’elle mène un certain nombre de combats utiles, indispensables même, pour la reconnaissance des droits humains, quelle que ce soit l’orientation sexuelle de chacun.

J’étais vendredi au concert de Jeanne Added, une chanteuse qui à l’instar de Christine and the Queen, s’identifie au courant Queer. Personnellement, je me fous de savoir si elle hétéro, homo, trans ou autre, ce que je sais c’est que sa musique m’a envouté à l’instant même où je l’ai écoutée, je lui avais d’ailleurs consacré une chronique (lire Irradié). En dehors de mon cas personnel, il est clair que la salle avait une certaine orientation « sociologique », avec plus de couples de filles que dans les autres concerts où je suis allé. C’est comme si on aimait bien écouter ceux ou celles qui nous ressemblent, celles ou ceux qui nous parlent intimement. Logique après tout ! Ou pas.

Bref, tout ça nous écarte un peu du football et du Toofball tout en restant dans le sujet. La coupe du monde au Qatar ? Les filles sont divisées sur la question. Y a celles qui boycottent pour protester contre le sort réservé aux homosexuels dans ce pays, sans oublier celui des ouvriers étrangers. Et puis il y a celles qui ne peuvent lutter contre leur passion du ballon rond, car le Toofball est au fond un club de football comme les autres, composé de joueuses animées par ce sport populaire mais qui ne trouvent pas leur place dans les clubs traditionnels et ne se sentent pas non plus soutenues ou reconnues par les fédération. C’est tout juste si elles parviennent à trouver des stades pour pouvoir s’entraîner, surtout l’hiver où il faut en plus leur allumer la lumière. Mais l’envie de jouer est bien là, présente et puissante.

Interrogée par le journal quotidien Liberté (1), l’une d’entre-elles déclare : « Hugo Lloris m’a déçue ». Elle évoque le refus du capitaine des Bleus de porter le brassard arc-en-ciel pour ne pas heurter les responsables et les supporters du pays hôte, qu’il entend respecter. Il ne faut pas trop en demander à un joueur de football non-plus. Bien que le sport, et le football en particulier, soit un sujet très politique, on ne peut pas exiger d’un sportif qu’il se transforme en militant, quelle que soit la légitimité de la cause. Et puis, au regard du match qu’il a fait hier soir face aux Anglais, moi je dis qu’il est pardonné. Je vais peut-être m’attirer l’ire des membres du Toof, mais quand vient l’heure du match, place au jeu et uniquement au jeu.

Vive le foot et vive le toof !

(1) Au Toofball club de Caen, lesbiennes et trans veulent tacler l’homophobie dans le foot, article de Nicolas Claich, Liberté, jeudi 8 décembre 2022, p.8