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Le monde de X

1 novembre 2022

S’intéresser à la place des femmes dans ce monde, c’est aussi s’intéresser aux lieux où elles ne sont pas, ou peu, représentées et voir les conséquences que cela peut avoir. Dans le monde de X, X pour Xi, il n’y a pratiquement pas de place pour les femmes. Il a certes une femme, chanteuse vedette du choeur de l’Armée rouge chinoise, qui a mis sa notoriété au service des ambitions politiques de son mari quand cela fut nécessaire, elle l’a aussi conseillé sur sa communication, mais cela s’arrête là. Quand on voit les images de Xi prêter serment devant le drapeau national avec en toile de fond les statues des fondateurs du parti, on le voit lui devant et sa garde rapprochée derrière, ses premiers conseillers, tous des hommes, hommes en chair et en os et statues. Quand une caméra fait un travelling de long en large au congrès national du parti communiste chinois, il faut se concentrer ou faire arrêt sur image pour compter le nombre de femmes, sur des centaines et des centaines d’hommes portant tous un costume noir flanqué d’un badge rouge. Il y a des univers comme celui-ci quasi exclusivement masculins, c’est ainsi. Je me faisais le même constat l’autre jour en regardant un concert de l’orchestre philharmonique de Berlin sur Arte. Je cherchais les femmes, j’essayais même de les compter, puis j’ai fini par faire pause et j’ai réussi à en trouver cinq sur une centaine de musiciens. Les féministes devraient délaisser cinq minutes les questions de l’IVG, de l’égalité des salaires et des violences faites aux femmes et s’intéresser un peu à la musique classique et au monde de Xi. Y a-t-il un rapport entre les deux hormis la surpondération des hommes, me direz-vous ? Non pourquoi, ou peut-être si, la rigueur, indispensable si on veut devenir un virtuose ou un autocrate de niveau mondial.

Dans le monde de Xi, il n’y a pas de place pour les femmes disais-je, places de pouvoir s’entend, ni pour les valeurs qu’on leur attribut généralement, douceur, bienveillance, écoute… J’entends d’ici les cris d’orfraie (une espèce de rapace au cri strident pour ceux qui l’ignorent, dont moi avant de regarder sur Google il y a cinq secondes), des féministes dénonçant la caricature et j’avoue que certaines femmes sont dures, malveillantes, surtout avec leurs congénères et bouchées à l’émeri (abrasif qui rend un contenant étanche, ça je le savais mais j’ai quand vérifié sur Google histoire de ne pas passer pour un con au cas où je me planterais complètement d’expression). Je plaisante, je plaisante, je joue avec les mots comme à mon habitude, je fais le fanfaron, mais je ne devrais pas. Car le monde que nous prépare Xi fait peur et nous devrions nous en méfier, bien plus que de Poutine, car l’armée chinoise n’a rien à voir avec l’armée russe. Si la Chine avait attaqué l’Ukraine, cela aurait été réglé dans la matinée et Zelenski aurait été envoyé en stage avec les Ouïghours.

Orwell l’avait imaginé, Xi l’a fait. Xi a parfaitement expliqué sa pensée et ses objectifs dans un court document connu de toutes les diplomaties du monde. Il jette aux orties tous les socles de l’occident, démocratie, liberté de la presse, liberté de parole, liberté de culte, de mouvement etc. et veut imposer à la place sa vision totalitaire du monde, une vision inspirée du Maoisme qu’il appelle la solution chinoise. La solution chinoise, c’est un seul parti et un seul dirigeant tout puissant, une presse au service du parti et de sa propagande, une « épuration » de tous les opposants, reconditionnés comme des téléphones si c’est possible, sinon emprisonnés ou éliminés, plus simple, plus efficace, une population sous surveillance permanente, observée par des millions de caméras, un citoyen, une fiche, mille points de crédit social que l’on perd ou gagne selon son comportement, un vrai régal pour les gamers, Mark Zuckerberg et son méta monde. Xi invente ainsi un nouveau genre de dictature, moderne, numérique, totalement assumée, claire, argumentée, quitte à mentir sans vergogne, c’est même une obligation car aucune nuance n’est permise. Il suffit pour s’en convaincre de visiter le musée du Covid à Wuhan – car les Chinois ont déjà un musée Covid si si – où on peut voir comment la Chine a sauvé le monde en produisant des masques, sur-chaussures, charlottes et autres conneries vendues à vil prix, nous permettant bien évidemment de ne pas attraper ce fichu Corona, d’ailleurs vous avez vu, personne ne l’a eu une fois les masques arrivés et portés. Ils sont forts ces Chinois tout de même, on oublierait presque que le virus est parti de Wuhan !

Mais le plus inquiétant n’est pas là, même si j’admets que nous nous sommes faits pas mal de mouron et perdu pas mal de pognon avec cette histoire de Covid. Les complotistes diront que c’est justement un coup des Chinois pour démontrer leur capacité à mettre le reste du monde à genou avec une toute petite molécule de pangolin. On pourrait l’imaginer oui, on peut tout imaginer après tout, ce n’est pas Orwell qui dirait le contraire justement, mais dans ce cas ils n’auraient pas fait démarrer l’épidémie chez eux, mais plutôt chez les Yankees, faut un minimum de logique, même quand on est complotiste. D’autant que dans le monde mondialisé de Xi, des milliers de businessmen et de conteneurs chinois traversent tous les jours le Pacifique, cela n’aurait donc pas été très compliqué de planquer une fiole dans un attaché case ou un carton de chaussures de sport. Mais ce n’est pas la stratégie de Xi pour conquérir le monde.

La stratégie de Xi, la solution chinoise donc, c’est de rallier tous ceux qui détestent les occidentaux et clairement ça ne manque pas, y compris en occident, la plupart du temps il faut admettre qu’ils ont de bonnes raisons pour cela (colonisation, pillage des richesses, exactions, humiliations militaires), en leur proposant des financements et des infrastructures : ports, routes, hôpitaux, ponts… pour créer des ponts justement. C’est par exemple ce qui est fait depuis une bonne décennie en Afrique, où les Russes assurent la sécurité et les Chinois le business. Dehors les Français et les occidentaux !

Xi a décidé de gagner la bataille idéologique par l’économie et quand l’économie ne suffira pas, la force et les armes parleront. Quand on voit l’Armée rouge chinoise défiler au pas, les soldats et la foule scander des cris guerriers, les camions porte-missiles rutilant derrière les troupes à perte de vue, cela rappelle vaguement quelque chose. Quelque-chose qu’on n’a pas vraiment envie de revoir. Ce qui se passe à Hong-Kong ces derniers temps est assez symbolique du combat qui se prépare entre l’occident et ses valeurs libérales et le totalitarisme chinois. Xi veut appliquer à Hong-Kong ce qui se fait en Chine, musellement de la presse et de toute critique du régime, enfermement des opposants comme ils le font au nord avec les Ou¨ïghours. Or les Hong-Kongais ne sont pas des Chinois comme les autres puisqu’ils ne le sont que de fraîche date, contraints et forcés, et n’entendent pas se faire écraser par Pékin. Quant à Taïwan, Xi a déclaré qu’il récupérerait l’île et réparerait l’humiliation subie par la Chine après les guerres de l’opium. Il en a fait une question d’honneur. L’avenir du monde, et pas seulement le monde de Xi, se joue à Taïwan, petit bout de caillou insignifiant et pourtant tellement significatif.

Joe Biden, qui connaît Xi depuis très longtemps, l’a bien cerné. Il dit de lui qu’il n’y a pas une once de démocratie en lui mais le type est très intelligent. Je ne sais pas si c’est vraiment rassurant. Pas une once de démocratie non, pas plus de miséricorde d’ailleurs, car le type, comme dit Biden, a mordu la poussière avant d’arriver au sommet du parti, il en même avalé des kilos. Quand son père, un cadre rouge très proche de Mao, est accusé d’être un traitre anti-révolutionnaire, c’est toute sa famille qui est jeté au ban de la société et subit les brimades et les humiliations. Xi passera une grande partie de sa jeunesse à la campagne, les communistes chinois appelaient cela la révolution culturelle, traité pratiquement comme un esclave entre travaux des champs et une stigmatisation continue pour le fils de traitre qu’il était. Ne supportant plus l’insupportable, sa soeur se suicidera. A force de courage, de patience, on peut même parler ici d’une certaine résilience, et aussi de manoeuvre (il réussira à faire enlever son pédigrée partenel sur son dossier du parti grâce à un copain bien placé), toutes ces qualités qui lui permirent de monter les échelons un à un sans jamais attirer l’attention plus qu’il ne faut. Autant dire que Xi a de la bouteille, le cuir épais et ce n’est donc pas un petit blanc bec d’occidental biberonné à Harvard ou à l’ENA qui l’impressionnera. Pas étonnant qu’il soit proche de Poutine, les deux dirigeants ne sont pas de ceux que l’on peut impressionner. Il est d’ailleurs étonnant quand on les regarde prononcer discours ou allocutions, à quel point leur visage ne trahit aucune émotion.

Alain Peyrefitte annonçait en 1973 dans son ouvrage éponyme que quand la Chine s’éveillerait, le monde tremblerait, une formule elle-même attribuée à Napoléon 1er, lui aussi fin connaisseur de géopolitique s’il en est. Mais la date de ce « quand » n’était pas précisée dans le texte, supposant que c’était en train d’arriver. La Chine s’est aujourd’hui bel et bien éveillée, Alain, c’est certain, espérons que le tremblement du monde qui viendra forcément ne dépassera pas l’échelle de Richter.


Sources / Références

Le monde de Xi Jinping, documentaire de Sophie Lepault, Romain Franklin et Aurélien Guégan, diffusé sur ce mois-ci sur Arte et disponible en VOD sur Arte.tv : https://www.arte.tv/fr/videos/078193-000-F/le-monde-de-xi-jinping/


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